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« Black monday murders » : Gloire à Mammon

Dans « Black Monday Murders », Jonathan Hickman joue avec la mystique qui entoure le monde de la finance et propose un récit où se mêlent polar et fantastique.
« Black monday murders » : Gloire à Mammon

La finance est un monde à part, les pontes de l’économie jouent avec des milliards, défont des états et tiennent les politiques en laisse. Cette emprise peut nous sembler irréelle, comme si une puissance implacable était à l’œuvre. Dans « Black Monday Murders », Jonathan Hickman joue avec la mystique qui entoure le monde de la finance et propose un récit où se mêlent polar et fantastique.


Hickman est un auteur connu dans le monde du comics, principalement pour ses récits chez Marvel qui lui ont donné une certaine assise dans le monde des encapés. De « Fantastic Four » à « Avengers » en passant par des crossovers de premier ordre comme « Infinity » ou « Secret Wars », Hickman a montré qu’il était capable de proposer des blockbusters à la fois complexes et récréatifs. Véritable bâtisseur d’univers, jouant avec des concepts cosmiques ou métaphysiques, le scénariste a pourtant le don de retomber à chaque fois sur ses pattes. Depuis ses débuts, l’auteur a réussi à affiner son écriture, proposant des récits composés de multiples personnages, évoluant souvent sur plusieurs timelines comme dans « Pax Romana » ou « East of West » chez Image comics. Un concept qu’il utilise aussi chez Marvel avec la série « S.H.I.E.L.D », mais qu’il parfait avec son « Manhattan Project », toujours chez Image. Cette dernière série lui vaut d’ailleurs une nomination aux célèbres « Eisner Awards » en 2013, prix qui lui passe de justesse devant le nez, puisque cette année là le titre de « meilleur écrivain » sera décerné à un certain Brian K. Vaughan pour la série « Saga ».


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Avec sa dernière série « Black Monday Murders », Hickman utilise la même marotte que dans nombre de ses récits, à savoir jouer sur une réalité historique établie en la couplant avec d’autres concepts métaphysiques, permettant ainsi de donner de la profondeur au tableau qu’il tente de nous dépeindre.


Tout commence pendant la crise de 1929 à la bourse de New York. L’un des plus grands cracks boursier est en train d’avoir lieu. Dans son bureau, le magnat de la finance Charles Ackermann commence à se vider de son sang. Ses confrères du conseil d’administration assistent à la scène, impassibles. Mammon, le dieu de la richesse et de la cupidité réclame un dû qui se paiera dans le sang. La mort d’Ackerman, couvert d’étranges glyphes, sera suivie de près par celles de nombreux traders dont le suicide cache en réalité une épuration nécessaire pour satisfaire le malin.


« Black Monday Murders » va suivre sur plusieurs générations, la dynastie des membres de la Caina-Kankrin, une banque d’investissement aux pratiques occultes. Tous dévoués à Mammon, ces adeptes usent de la sorcellerie pour se conférer fortune et pouvoir. De 1929 à nos jours, nous allons assister à un complot à l’échelle planétaire, visant l’asservissement des masses par ces quelques élus qui détiennent toutes les richesses. Hickman se sert de la situation économique actuelle où 1% de la population détient plus de 80% des richesses mondiales, pour nous pondre un récit brillant, réussissant à travers une enquête à nous invectiver sur la concentration et l’hérédité du pouvoir. 


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Comme dans la plupart des récits du scénariste américain, l’histoire est complexe et nécessite toute notre attention. Ses détracteurs lui reprocheront une approche trop lente et sophistiquée, proposant un enchevêtrement de plusieurs strates d’informations qu’il faudra disséquer. Il est vrai qu’il n’est pas rare de voir le lecteur revenir sur ses pas pour restituer les enjeux ou les personnages, d’autant plus que ce premier volume est parsemé de notes et rapports entre les chapitres, comme autant d’indices susceptibles de comprendre l’histoire avec un grand « H ». Malgré ce fourmillement d’informations, ce premier volume est captivant, principalement grâce à la richesse de l’univers développé. Comme Sean Phillips en 2012 avec son comics « Fatale » ou encore avec la série TV « True Detective », Hickman essaye de réinventer le roman noir en proposant une œuvre mêlant polar et mysticisme.


Le récit est certes un peu manichéen, puisque la plupart des protagonistes sont présentés comme des individus sans âme, mais il apporte la dose d’écœurement et de révolte nécessaire à l’aventure. S’il est impossible de s’identifier aux personnages principaux, tous aussi vénaux les uns que les autres, on suit à défaut l’enquête de l’inspecteur Dumas, brillant enquêteur du NYPD à qui va échoir l’affaire sur la mort d’Ackerman. Comme lui, nous allons ouvrir cette boite de Pandore où les secrets qu’elle détient risquent de nous emporter.


La direction artistique est empreinte de symbolisme, à l’image du récit de Hickman. Le trait du dessinateur Tomm Coker, à la fois sombre et réaliste, colle parfaitement avec l’ambiance feutrée du récit. Ne cherchez pas de grands effets de style, le dessin est raffiné pour entrer en résonance avec l’intrigue.


En un mêlant mythologie et conspiration, « Black Monday Murders » saura satisfaire les lecteurs les plus patients et les plus exigeants. Conçu comme une œuvre néo-noir articulant son intrigue autour des jeux de pouvoir et de l’argent sale, Hickman et Coker réussissent à proposer un récit occulte autour de la finance, où les écoles de magie clandestines sont liées à des conglomérats bancaires et où des papes noirs s’associent aussi bien avec la mafia russe qu’à l’aristocratie américaine dans le but garder leur position dominante.


Le premier tome de « Black Monday Murders » est disponible chez Urban Comics.


Christophe BALME

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