Club VHS : Pump Up the Volume
Pump Up the Volume (1990 – Allan Moyle) Par Aubry Salmon« Everybody knows that the boat is leaking »,
Everybody knows - Leonard Cohen
Pump Up the Volume aurait pu être ce genre de script subversif qui tombe dans les mains du mauvais producteur ou du mauvais studio, et qui finit par devenir une bluette inoffensive. Bon, bien-sûr, entre la vision, « sombre et poétique » qu’avait Allan Moyle de son histoire, qu’il imaginait réaliser dans le style des photographies crado-réalistes prises par le photographe Robert Frank pour la couverture de Exile on main street des Stones, et le résultat très pop du film fini, il y a un gouffre que son auteur semble ne pas trop regretter, près de vingt ans plus tard, dans les bonus du DVD français.
Mais heureusement, Moyle est tombé sur Sandy Stern, jeune producteur à l’époque, qui n’hésita pas à confronter sa vision plus romantique à celle du réalisateur. En résulte un teen movie pas vraiment rose bonbon qui semble prendre la suite des premières productions de John Hughes (Sixteen candles, Breakfast Club, Pretty in Pink et Some Kind of Wonderful) en y ajoutant une touche presque politique, ou du moins engagée dans son propos – là où Hughes se contentait de constater la voie de garage dans laquelle se trouvaient les ados des 80’s. En cela, Pump Up the Volume est clairement un film des 90’s. Un film presque grunge – il l’aurait sans doute complètement été s’il avait été tourné quelques années plus tard – ouvrant une décennie qui se conclura cinématographiquement dans le chaos de Fight Club (dont le héros fut sans doute lui aussi un ado un peu perdu de la fin des 80’s).
Mark écoute du rock, mais reste très transparent dans l’attitude qu’il adopte au lycée : il se cache derrière ses lunettes, longe les murs et préfère lire l’autobiographie de Lenny Bruce que de se faire des copains. Mais le soir venu, lorsqu’il s’enferme dans la cave qui lui sert de chambre, il devient « Harry la trique » et expose son mal-être illégalement sur les ondes FM du bled paumé d’Arizona dans lequel il a atterri. Il vomit à longueur de soirées sur l’horreur de son époque et de sa condition adolescente et rejette souvent la faute sur la génération flower power à laquelle appartiennent ses parents (le lycée porte d’ailleurs le nom d’Hubert Humphrey, candidat malheureux aux présidentielles de 68 face à Richard Nixon et symbole de la défaite des idéaux de la gauche américaine des 60’s) et simule allègrement la masturbation, toujours micro ouvert. Très vite, tout le lycée ne parle que de lui et de son identité mystérieuse. Et lorsqu’un jeune garçon se suicide après avoir appelé Harry, les autorités, les parents et les médias se saisissent de l’affaire en appelant à la vindicte populaire. Harry/Mark ne peut alors compter que sur l’aide de Nora, jeune camarade insaisissable et séduisante (interprétée par Samantha Mathis, future Princesse Daisy dans l’inénarrable film Super Mario bros.) qu’il repousse dans un premier temps avant de se laisser charmer. Finalement, il devra accepter ce qu’il est devenu par la force des choses, à savoir un guide pour ses camarades prêts à tout casser pour se faire entendre – comme cette jeune fille probablement première de sa classe et bien sous tous rapports qui décide finalement de déchirer sa belle robe pour enfiler une tenue plus destroy. Bien sûr, tout cela peut paraître un brin naïf aux yeux d’un spectateur adulte, cynique et rangé des voitures, mais le film s’adresse avant tout aux adolescents du monde entier – et de toutes les époques.
Malheureusement, le film sera jugé trop explicite pour le jeune public américain et classé R par la sempiternelle MPAA. Ainsi le public visé ne pourra découvrir le film en salles – du moins aux États-Unis –, le condamnant ipso facto à une déroute inévitable au box-office. Comme aurait dit Harry la trique : « Ainsi soit-il. »
Pump Up the Volume (1990 – Allan Moyle)
Par Aubry Salmon