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David Hasselhoff : entrer dans sa lumière

« Certaines personnes préfèrent rester dans l’ombre, trop effrayeées d’entrer dans la lumière », pouvait-on entendre au générique d’une des séries télévisées les plus connues et vues à travers le monde « Alerte à Malibu ». Pour autant de l
David Hasselhoff : entrer dans sa lumière

 « Certaines personnes préfèrent rester dans l’ombre, trop effrayées d’entrer dans la lumière », pouvait-on entendre au générique. Pour autant de la lumière, ce n’est pas ce qui a manqué autour des vedettes de ce programme. Pamela Anderson, David Charvet, un ancien leader Dothraki, Jason Momoa. Mais celui qui reste dans les mémoires parmi ces grands moments d’exhibitionnisme en couleur, c’est bien David Michael Hasselhoff.


A l'occasion de sa venue à Canneséries, troisième édition, en temps qu'invité d'honneur, retour sur La Légende.


Bon nombre de comédiens auront du mal à marquer l’histoire de la télévision comme David Hasselhoff a pu le faire. Au début des années 80, s’il vous est venu à l’idée d’essayer de percer au sein du Hollywood télévisuel (dont l’audience atteignait parfois 10 fois celles de nos séries actuelles), vous ne seriez pas arrivé à la cheville de l’exploit accompli par notre intéressé: être le Mitch Buchanan de « Baywatch » ET le Michael Knight de « K2000 » (traduction francophone subtile et délicate du titre original « Knight Rider »). Le « Hoff » comme on l’appelle outre- Atlantique, avec son brushing soufflé au vent, son perfecto détroussé, et ses Santiags nonchalamment déposées sur un capot de grosse cylindré, incarne comme peu après lui, une imagerie 80’s que certains auraient raison de jalouser.


Nul doute que pour atteindre un tel niveau de « swag » à l’écran, il paraît nécessaire d’être diagnostiqué d’un souci insatiable de plaire. Une envie d’incarner à travers un signal en couleur, une figure charismatique qui le temps d’une cinquantaine de minutes entrecoupées d’interruptions publicitaires, arrive par son flegme et sa « cool attitude », à inspirer l’intérêt et l’entière sympathie. C’est la marque des grands interprètes/storytellers qui ont habités la télévision américaine jusqu’à la fin des années 90, et c’est absolument ce que David Hasselhoff était durant ses grandes heures.

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Être acteur de fiction filmée, ce n’est pas donné à tout le monde. De brillants comédiens issues de la scène ont eu la malchance d’échouer là ou d’autres interprètes ont su briller. Le langage du corps, l’expression faciale, la finesse ou robustesse d’un mouvement accompagnant un cadre, tous ces éléments qui provoquent la proclamation de certains interprètes comme des purs acteurs de cinéma. De par la nature du parcours de notre intéressé, nous nous projetons ici dans l’univers de la fiction télévisée, mais les règles subsistent, surtout pour des programmes introduisant des personnages nécessitant un certain flegme et une assurance, qui imposera certains acteurs, comme des pionniers dans leur genre. Dans une série comme « K2000 », le métier d’acteur rentre fondamentalement en symbiose avec le langage filmique. Il suffit de voir Hasselhoff au volant de la « Knight 2000 », couvert par de multiples angles en longue focale, en train de communiquer avec un ordinateur, pour se rendre compte qu’au travers de ce véritable numéro de kabuki linguistique (le pauvre ayant dû jouer dans le vide durant une grande partie du tournage), Hasselhoff incarne à lui tout seul, la vitrine de son propre show. Le charisme habitant son interprétation de Michael Knight aidera durant 4 saisons, à projeter de la poudre aux yeux à un jeune téléspectateur enchanté. Un cache misère par le jeu, qui nous fait passer outre la simplicité de tout ce qui entoure notre « Hoff », et sa voiture au budget lumière surdimensionné. Et tout comme l’équipe survolté composant l ‘« Agence tous risques », c’est parce que notre héros Mickael Knight s’amuse à percuter des méchants à toute allure avec sa sympathique voiture Kitt, que ces derniers finissent toujours par se relever sans véritables dégâts. Car non, le « Hoff » ne tue pas, il neutralise. Acteur « feel good » vous dîtes ? Vous l’en verriez ravi.

David Hasselhoff a cela d’honorable que lorsque vous lui demandez aujourd’hui de monter au volant d’une Kitt reconstituée pour les biens d’une vidéo tournée pour Youtube, il ne bronchera pas avant de vous prouver par A B que les vrombissements de moteurs et autre virages à 180 degrés, driftant dans un nuage de sable dont on a pu témoigner dans la série « K2000 », ont été intégralement exécutés par sa propre personne?.?« La seule chose qu’ils m’empêchaient de faire c’était de prendre un tremplin pour un saut, ou pour envoyer Kitt dans le décor... Pour le reste je tenais absolument à le faire moi-même. »


Cela aura pour mérite de sublimer les souvenirs de certains, mais à l’inverse de bon nombre de mythes gâchés à la découverte d’une anecdote de tournage, celui du « Kight Rider » est en fait une réalité. Très peu de doublures ont été employées pour piloter ce (véritable) bolide luminescent, et au volant rectangulaire si caractéristique. Mais pour Hasselhoff, le spectateur devait absolument croire aux capacités de conduite de son personnage. Il est à notifier que ceci est le fruit d’un apprentissage effectué sur le tournage, et non pas d’une passion annexe pour la course automobile. Si le « Hoff » doit être crédible en conduisant une voiture qui fait vroom vroom, il s’acharnera à la tâche jusqu’à ce que ses manoeuvres soient assez crédibles pour qu’un réalisateur estime qu’il n’ait pas besoin d’engager de doublure. C’est dire la confiance que le « Hoff » sait inspirer autour de lui. La star de notre show aux audiences folles passe ses journées à faire des burns dans le désert, en manquant de finir dans le décor en frôlant la sortie de route catastrophique à longueur de journée, mais tout va bien, c’est notre « Hoff »: il gère.

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Mais le « Hoff » a également un affreux secret...Une tare inavouable...?Si cela venait à se savoir, ça pourrait mettre en péril toute forme de crédibilité en tant que star de la petite lucarne et, qui sait un jour peut-être... du grand écran...?Dans ses veines au sang Germano-Brittanico-irlandais, coule une passion autre que la comédie... Le « Hoff » aime... chanter. Et oui, avant qu’Hannah Montana ne se balance au bout d’une Wrecking Ball en explosant les records de vues sur Youtube, Michael Knight lui, juste avant de devenir un sauveteur plagiste émérite dans le poste de bon nombre de familles à travers le monde, chantait du haut d’une grue devant des milliers de personnes, qui venaient de mettre le mur de Berlin à terre. Dans ce moment de liesse historique, indiquant la fin d’une période de tension et de conflits durant la seconde moitié du 20è siècle, le « Hoff » est apparu, pour chanter haut et fort la gloire de la liberté. Tel un ange déchu que les dieux du 7ème art ont décidé de nous confier, ne sachant pas vraiment où ranger celui qui aura déçu les astres en passant une partie de sa carrière à jouer dans des comédies de seconde zone produite pour l’Allemagne de l’Ouest (comprenez alors sa joie quand le pays s’est réunifié), David Hasselhoff a réussi de par cette encore aujourd’hui improbable participation, à marquer l’Histoire, avec un grand H. Ironie du sort, il l’aura fait au beau milieu d’un champ de ruines.


Au moment où Hasselhoff célèbre la chute du mur de Berlin, il est la star d’une nouvelle série qui a débuté il y a de cela quelques semaines aux Etats-Unis. Dans ce show, il tente de faire oublier un mythique Michael Knight, pour désormais imposer au monde son Mitch Buchanan. Véritable « Ben Kenobi » d’une bande de sauveteurs de Malibu exerçant leur métier au ralenti, le « Hoff » n’a gardé de cette icône d’une galaxie lointaine que le concept de maturité faisant face à la jeunesse. En effet, ce n’est pas une bande minots en short orange qui voleront la vedette à un des rappelons-le, pionniers dans le domaine du swag télévisuel. C’est donc cette « Alerte à Malibu » qui va définitivement faire rentrer notre « Hoff » dans la légende. En 220 épisodes s’étalant jusqu’au début des années 2000, Hasselhoff a désormais sa marque dans les années 90. Et c’est notamment durant cette période qu’ il tentera également de plus clairement s’émanciper. Toujours à la télévision cette fois- ci, un projet en particulier va retenir notre attention, et mettre en exergue une des caractéristiques fondamentales de son personnage.


En 1998 est diffusé sur les écrans américains un téléfilm adapté d’une série de Comics intitulé « Nick Fury ». Dans ce dernier, Nick Fury est le leader d’un groupe d’opérations spéciales appelée « Shield », qui s’était exilé à la fin de la Guerre Froide après un évènement tragique. Son ennemi juré, le Baron Von Stucker, leader d’un groupuscule dérivé de l’Allemagne nazie appelé « Hydra », s’est emparé d’un virus mortel capable d’anéantir la population américaine toute entière. Désemparé, et manquant d’une figure assez forte pour inspirer sa lutte, le Shield décide de partir à la recherche de Nick Fury, afin de le faire sortir de sa retraite, et anéantir une bonne fois pour toutes, ce groupuscule terroriste. Tout ceci s’est déroulé en 1998, dans les postes de télévision de millions de citoyens américains en Access Prime-time. Ceux-ci même qui des années plus tard, accompagneront leurs enfants dans une salle obscure, pour jubiler et frémir devant un certain Captain America : The Winter Soldier. Vous l’aurez reconnu, il s’agit bien de l’une des premières adaptations filmées du personnage de Nick Fury, célèbre leader du Shield dans la désormais très présente Marvel Cinematic Universe. Cette franchise aux innombrables milliards de dollars avait il fut un temps parmi ses visages, celui de David Michael Hasselhoff. De nos jours, ses comparses n’ont même pas la décence de l’inviter au casting d’un Expendables. Mais y avait-il réellement sa place ?


Il est d’autant plus notifiable qu’en 2000, 2 ans après la diffusion de ce téléfilm probablement dores et déjà oublié, sort le premier volet de « X-Men », qui sera suivi quelques années plus tard par la sortie du « Spiderman » de Sam Raimi, ses deux suites, et toute une série de longs-métrages adaptant l’entièreté du catalogue de l’écurie Marvel. Deux ans. Encore deux petites années et son blockbuster de prime time aurait pu faire la différence, à un moment ou il aurait véritablement été « à la mode ».


Car c’est bien là ce qui caractérise la carrière de David Hasselhoff :  il est aisé de le définir comme un acteur arrivé trop tôt. Il est d’autant plus ironique de trouver au casting de son « Nick Fury » un certain David Goyer à l’écriture, que l’on connaît notamment en tant que co-scénariste de la future trilogie Batman de Christopher Nolan. Les recettes de tout ce qui a caractérisé ce projet ne se sont en effet montrés concluantes que quelques années plus tard, dans une ère où « Marvel » et « super-héros » riment avec records au box-office successivement pulvérisés. De même, comment serait-il possible aujourd’hui d’imaginer qu’un acteur de série aussi populaire ait autant de mal à percer sur la grande toile ? On le sait de nos jours, la série télévisée n’a plus l’image qu’elle cultivait durant les années 80 (ni le même visage qui plus est). Au diable les considérations d’audiences (qui font toujours du bien certes), la télé est aujourd’hui une plate-forme artistique d’expression aussi forte que le Cinéma, et possède aujourd’hui dans son catalogue une multitude de chef d’oeuvres prenant aisément leur place au sein des mythes de la fiction filmée. Cette télévision même qui était le terrain de jeu principal d’un David Hasselhoff, à l’époque complètement adoptée par son système.


Il est en effet aujourd’hui difficile de se rappeler qu’en 1991, NBC décide d’annuler « Alerte à Malibu » faute d’audience. C’est avec son propre argent que la série finira par renaître de ses cendres et connaitre son succès florissant durant ses 10 saisons. En tant que Michael Knight, il a remporté à plusieurs reprises le prix du « People's Choice Award », l’adoubant officiellement à l’époque dans le coeur du public. En 1996, il remporte sa place sur le fameux Hollywood Walk of Fame à Los Angeles. En 2000, il réalise son rêve en foulant les planches d’une scène de Broadway pour interpréter le Docteur Jekyll et son versant Mr Hyde, dans une pièce du même nom. Mêlant ses deux activités principales, cette comédie musicale lui permettra de prouver enfin par la même occasion, et malgré toutes les qualités nécessités, qu’il n’est pas qu’un vulgaire acteur de série. Plus récemment encore, nous avons pu le voir à la bande-son du film indépendant « Kung Fury » diffusé sur Youtube. Véritable cocktail survolté d’un incalculable références issues des années 80, le film illustrant le parcours d’un flic projeté dans le passé pour combattre Adolf Hitler (ça ne s’invente pas) aura eu la bonne idée d’engager le « Hoff » pour en signer la chanson principale. Dans ce cadre très vintage, et dans un clip au stylé rétro qui n’est pas sans rappeler ceux qu’il tournait durant la même période, Hasselhoff s’y illustre comme un poisson dans l’eau.


Le « Hoff » incarne complètement sa propre histoire. Une envie constante de plaire, de réussite par l’assomption d’une certaine simplicité, et d’une modestie qu’il paraît difficile de lui enlever. Il est d’ailleurs intéressant de voir qu’il est également lié à un autre record concernant « Alerte à Malibu », beaucoup moins reluisant cette fois-ci. Celui de la « Série ayant été diffusé le plus longtemps sans nomination au Emmy Awards ». Quelque part, un acteur que certains caractériseraient trop rapidement de « star ratée », doit aujourd’hui prendre ce record pour ce qu’il est, un exploit en tant que tel parmi tant d’autres. Car malgré un tel décryptage, il est définitivement aujourd’hui très difficile d’écrire le nom à l’orthographe si complexe de David Hasselhoff, en oubliant d’ajouter à son nom de famille, un « grand H ».


David Boyadjian


Le Festival International de Cannes des Séries du 27 mars au 1er avril 2020 au Palais des Festivals.