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George Miller et ses frères d'arme

George Miller est un auteur dont l’œuvre est si cohérente qu’il considère lui-même ses films comme un seul et même grand projet.
George Miller et ses frères d'arme

George Miller est un auteur dont l’œuvre est si cohérente qu’il considère lui-même ses films comme un seul et même grand projet. Le génial Australien n’en reste pas moins un catalyseur à talents qui a su, durant toute sa carrière, s’entourer de collaborateurs à l’influence primordiale sur ses films.


George Miller est issu d’une fratrie de quatre garçons : il est l’aîné de Chris et Bill, et a un frère jumeau, John. Toute son enfance, le futur réalisateur est ainsi habitué à avoir des partenaires qui l’accompagnent dans ses jeux, ce qu’il surnommera lui-même un « apprentissage ludique invisible » à sa future occupation de cinéaste. George Miller va, durant toute sa carrière, tenter de retrouver ce sentiment de communauté dans son travail. En premier lieu, il s’adjoint les services de coréalisateurs sur plusieurs de ses films : il cosigne Mad Max : au-delà du dôme du tonnerre avec George Ogilvie et entre trois et quatre coréalisateurs sont crédités sur les deux volets d’Happy Feet. Miller est également connu pour avoir produit des films sur lesquels il s’implique très concrètement dans la mise en scène auprès du réalisateur officiel, comme Réaction en chaîne (de Ian Barry), Calme blanc (de Phillip Noyce) ou encore Babe, le cochon devenu berger (de Chris Noonan). Et le cinéaste va, dans les années 80, s’intéresser à la production des séries télé dont le fonctionnement collégial le fascine. Mais surtout, son parcours professionnel est émaillé de collaborateurs primordiaux, à commencer par son frère Bill qui produit la plupart de ses films et à qui l’on doit le titre Happy Feet. Dans l’entourage proche du cinéaste, il faut aussi compter sur sa seconde épouse, la monteuse Margaret Sixel, qui a suggéré le découpage en chapitres de Babe, le cochon devenu berger. 


Et actuellement, on ne peut évoquer le travail de George Miller sans parler de son bras droit, Doug Mitchell, qui l’épaule à la production depuis Mad Max : au-delà du dôme du tonnerre et avec qui il dirige Kennedy Miller Mitchell, l’une des plus anciennes compagnies de production australienne. C’est d’ailleurs dans le nom de cette société que l’on décèle le collaborateur le plus important de Miller, un homme que George Miller continue de considérer « comme un frère » : le regretté Byron Kennedy.


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Deux en un

George Miller et Byron Kennedy se rencontrent aux cours d’audio-visuel de l’université de New South Wales. Miller est alors étudiant, Kennedy vient donner une conférence. Mais les deux jeunes hommes s’entendent immédiatement. Malgré son jeune âge (il n’a qu’une vingtaine d’années), Kennedy a déjà une belle expérience : il a fondé sa propre compagnie de production (Warlock Films) et a mis en scène des courts métrages, plusieurs publicités et des documentaires (dont Hobson’s Bay, récompensé du Kodak Trophy). Autant d’activités qui lui permettent de découvrir des méthodes de tournage étrangères, américaines en particulier, qui lui seront bien utiles par la suite.


Mais c’est vraiment grâce à sa rencontre avec Miller que la carrière de Kennedy prend son envol. Quelques mois après le début de leur amitié, le duo réunit 1500 $ et réalise Violence in the Cinema, Part 1, à l’occasion duquel ils fondent leur compagnie de production commune, Kennedy/Miller. Ce court-métrage de 20 minutes se présente comme une parodie de films éducatifs, visant à dénoncer les méfaits de la violence sur grand écran : très rapidement, l’exposé vire au Grand Guignol, avec des effets sanguinolents grotesques. Ce court-métrage irrévérencieux, récompensé à plusieurs reprises, est suivi quelques années plus tard de Frieze - An Underground Film, une autre œuvre commune décrite ironiquement par le duo comme « l’oméga du mouvement cinématographique undergound ». Puis vint Mad Max, que l’on pourrait presque considéré comme une coréalisation de Kennedy et Miller. En effet, les deux hommes coproduisent et coécrivent le film, et Kennedy assure la réalisation de seconde équipe et même quelques cascades, un poste logique considérant qu’il est amateur des sports automobiles. Bouclé pour un budget misérable et dans des conditions souvent proches de l’amateurisme, le tournage de Mad Max bafoue les règles qui ont cours sur les productions classiques. Contrairement aux tournages syndiqués américaines, dont la rigidité a beaucoup choqué Kennedy, aucun poste n’est réellement fixe et la hiérarchie entre les membres de l’équipe est pour le moins floue. Cette méthode collaborative se ressent jusque dans la postproduction : pendant que Miller supervise le montage image sur le banc installé dans la cuisine de sa maison, Kennedy travaille sur le montage son dans le salon.

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Les ailes brisées

S’il sera a posteriori aisé de voir en Mad Max le style naissant de George Miller, le film répond tout autant aux critères esthétiques de Kennedy qui déclare à Fangoria quelques années après la sortie salles : « Je déteste les dialogues dans un film (…). J’ai toujours préféré voir de l’action, surtout des poursuites et des conflits très marqués. (…) Je pense que les films ne devraient être que des images en mouvement, accompagnées d’effets sonores. » La direction bicéphale de Mad Max est réemployé sur les projets suivants de Kennedy/Miller : quelques productions (notamment pour la télévision australienne), mais surtout Mad Max 2 – le défi, un chef-d’œuvre qui semble amorcer un âge d’or pour le duo. Le sort en décide autrement : le 17 juillet 1983, victime du crash d’un hélicoptère qu’il pilotait, Byron Kennedy décède de ses blessures après une nuit d’agonie passé à attendre les secours. 


George Miller ne cacha jamais la perte immense que fut pour lui la mort de ce collègue : il lui dédicace Mad Max : au-delà du dôme du tonnerre et contribue à créer en son honneur le « Byron Kennedy Award », un prix accompagné d’une enveloppe de 10 000 $ et récompensant chaque année un jeune membre de la communauté audiovisuelle australienne, dont l’apport artistique ou technologique à l’industrie est remarquable. Quant au réalisateur de Calme blanc, Phillip Noyce, il observera : « Byron était le partenaire parfait (pour George Miller - NDA). George est le cerveau droit ultime, un penseur virtuose, et Byron était le lobe droit et gauche. Ensemble, ils formaient la combinaison de cinéastes parfaite. »


Julien DUPUY

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