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Jason Schwartzman : Little Drummer Boy

Élevé au sein de la célèbre famille Coppola, le jeune homme a 18 ans lorsqu’il rencontre un certain Wes Anderson pour la première fois, lors du casting de Rushmore. Si sa vie vient de prendre un nouveau tournant, la discrétion reste toujours de mise.
Jason Schwartzman : Little Drummer Boy

L’histoire des batteurs dans les groupes est toujours la même. Celle d’un gars quasi invisible qui s’agite derrière les autres, maintenant pourtant le rythme afin de mettre en valeur le chanteur et le guitariste, ces vedettes… Pour un Keith Moon, un Dave Grohl ou un Phil Collins, combien d’anonymes oubliés dans les annales de la pop ? Le jeune Jason semble pourtant s’en accommoder lorsqu’il fonde Phantom Planet en 1994 avec ses potes, ce genre de college band à la Weezer dont l’Amérique regorge. Repéré par un label en 1997, le groupe se lance dans le grand bain l’année suivante avant de lâcher en 2002 son plus gros tube, California, devenu depuis un incontournable de la pop US et de la synchro. Mais entre temps, Jason Schwartzman a pris goût au cinéma. Élevé au sein de la célèbre famille Coppola, le jeune homme a 18 ans lorsqu’il rencontre un certain Wes Anderson pour la première fois, lors du casting de Rushmore. Si sa vie vient de prendre un nouveau tournant, la discrétion reste toujours de mise.


On ne sait que trop que l’histoire de la musique et du cinéma est peuplée de fils et de filles de, prêts à tout pour confronter leur ennui et leur ego au talent de papa ou maman plutôt que d’aller bosser au Starbucks. Alors quand le jeune Jason arrive, en cette année 1980, au sein de la famille Coppola (sa mère Talia Shire n’est autre que la sœur de Francis et l’interprète légendaire d’Adrian, l’amour de Rocky Balboa), que ses cousins s’appellent Sofia, Roman ou Nicolas Cage, le pourcentage de chance de le voir sur un écran géant est finalement assez élevé. Mais le garçon est timide, un peu freak et préfère la musique. Malgré son pedigree, ses idoles sont à chercher du côté de la pop musique. Il est fou des Beatles, des Beach Boys et de tous ces chanteurs fragiles qui font du bien à l’âme avec leurs mélodies douces-amères (Donovan, Nilsson…), celles qu’il cherchera à recréer avec son projet solo Coconut Records un peu plus tard. Alors que sort le premier album de Phantom Planet en juillet 1998, Jason vient de tourner dans Rushmore, le deuxième film de Wes Anderson, jeune réalisateur singulier qui vient de se faire remarquer avec Bottle Rocket deux ans plus tôt. Repéré dans une soirée chez les Coppola par une directrice de casting curieuse, Jason va au rendez-vous à reculons, persuadé qu’il n’a rien à offrir ou à gagner, la musique restant sa préoccupation première. Il est cependant bluffé par le script, le premier qu’il lit. 

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Après avoir demandé l’avis de sa mère, celle-ci lui montre alors Le Lauréat, Harold & Maude et Un Jour sans fin, pensant que cela pourrait l’aider à mieux appréhender le rôle. Schwartzman découvre des sensations inédites et ressent le même plaisir que lorsqu’il écoute ses albums préférés. Mis en confiance par ces quelques images, le monde du cinéma s’ouvre grand à lui lorsqu’il est retenu pour le rôle de Max Fisher et qu’il se lie instantanément d’amitié avec son réalisateur. Il repart donc avec son premier rôle et un ami qui deviendra au fil du temps son confident. Les deux hommes, malgré leurs onze années d’écart, partagent ce même goût pour la musique, les objets vintage, les vestes en velours et l’humour décalé. Un style certain qui rejaillira dans toute l’œuvre du réalisateur et dans nombre de projets de l’acteur qui dira d’ailleurs de Wes qu’il « adore son obsession », ce souci du détail qui a fait de son univers visuel l’un des plus passionnants et des plus immédiatement reconnaissables de ces vingt dernières années. Il se passera pourtant neuf ans (et deux films) sans que Jason ne rejoue pour Wes, si l’on excepte cette publicité pour American Express, tournée en 2004, où le réalisateur s’autoparodie et invite son ami pour un rôle minuscule. 


Les deux hommes se recroisent donc en 2007, en Inde, où ils sont partis écrire le scénario de Darjeeling Limited avec Roman Coppola. L’histoire touchante et colorée de trois frères qui se retrouvent, dans tous les sens du terme, à bord d’un train qui file à travers le pays. Il y joue l’un des trois frères, côtoie Owen Wilson, autre habitué (et ancien coloc de fac du réal) de l’univers andersonien, et le nouveau venu Adrien Brody. Le film est un sommet de poésie et d’humanité, peut-être l’un des plus beaux de sa filmographie. Il s’ouvre par un court métrage intrigant, Hôtel Chevalier, où le personnage de Jason retrouve celui de Natalie Portman dans une chambre d’hôtel parisienne… Valises Vuitton vintage, français, moustache et couleur jaune. Le chic et l’élégance, toujours. De court métrage et de pub, il en sera d’ailleurs encore question avec ce spot pour Prada en 2013, Castello Cavalcanti, où Jason Schwartzman, toujours de jaune vêtu, en combinaison de cuir, joue un pilote de rallye qui retrouve ses ancêtres dans un petit village italien de 1955. Au-delà des références à Fellini et au ciné italien, c’est tout un pan des racines de la famille Coppola qui ressort dans ce bel objet marketing mis à lumière par le grand Darius Khondji à Cinecitta. 

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Entre temps, les deux hommes ont collaboré sur Fantastic Mr. Fox en 2009, merveille d’animation où Schwartzman prête sa voix à un renard, aux côtés de Clooney, Murray ou Wilson, puis sur le joli Moonrise Kingdom en 2012, avant la consécration critique et publique du Grand Budapest Hotel en 2014. Pourtant, le nom de Jason Schwartzman n’évoque toujours pas grand-chose au grand public. Il faut dire qu’il prend bien soin de ne choisir que des rôles qui lui conviennent, se tenant à bonne distance de blockbusters dans lesquels il ne se retrouve pas. La seule exception notable, il la fera pour Scott Pilgrim en 2010, le film étant alors réalisé par l’anglais Edgar Wright dont il adore l’univers barré depuis Shaun of the Dead et Hot Fuzz. En costume blanc et lunettes épaisses, il y interprète Gideon Graves, un des ex maléfiques. Ses choix oscillent donc entre films auteurisant (il joue deux fois pour Alex Ross Perry : Listen Up Philip en 2014 et Golden Exits en 2017) et comédies plus légères à l’humour singulier. 


Il entre dans le petit monde de Judd Apatow en 2007, en jouant Ringo Starr (un batteur, tiens !) dans le déjanté Walk Hard de Jake Kasdan, avant d’apparaître dans le beau Funny People (2009) du maître lui-même, sur un sujet alors méconnu chez nous : le stand-up. Mais Schwartzman aimant être en confiance, on le retrouve surtout chez son cousin Roman (CQ en 2001, Dans la tête de Charles Swan III en 2013), dont il partage l’univers haut perché, ou chez sa cousine Sofia, qui lui offre un rôle dans le très pop Marie-Antoinette (2006) avant de l’inviter à chanter et à partager la scène avec Phoenix dans l’émission de Noël qu’elle réalise pour Netflix, A Very Murray Christmas, où toute cette bande d’amis se retrouve autour du sapin. La famille. Il joue d’ailleurs aussi pour son frère Robert (musicien lui aussi, qui officie dans le groupe Rooney et a composé la musique du Palo Alto de sa petite-cousine Gia Coppola !) qui se lance dans la réalisation avec Dreamland en 2016.

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Quand il décide de couper avec le petit monde du cinéma, Jason n’est jamais très loin d’un instrument. Ses deux albums sous le nom de Coconut Records (Nighttiming en 2007 et Davy en 2009) rencontrent un joli succès indé, certaines chansons finissant dans The OC, Funny People, Cloverfield ou la version US de LOL ! Il joue aussi dans le fameux clip de ses potes les Beastie Boys, Fight for your right en 2011, au milieu de Will Ferrell, Danny McBride, Seth Rogen et consorts… Mais depuis une petite apparition dans la géniale série Freaks & Geeks de Paul Feig et Judd Apatow en 2000, il occupe aussi son temps dans les séries télé. 


En 2004, il joue dans la série avortée Cracking Up (seulement six épisodes diffusés sur les douze prévus), mais son heure arrive en 2009 lorsque HBO lance Bored to Death, petite série devenue culte au fil des ans. Il y joue Jonathan Ames (auteur même du bouquin, de la série et du récit qui a donné le Beautiful Day de Lynn Ramsay), détective laborieux qui mène ses enquêtes avec l’aide de deux bras cassés : un dessinateur obsédé par les pénis (Zach Galifianakis, déjà génial) et un patron de presse enfumé (Ted Danson, à la coule). Le rythme lancinant et l’humour juif new-yorkais, proche d’un Woody Allen en forme, pourraient faire croire que la série a été écrite pour lui. Son œil pétillant, son air désabusé et sa silhouette de dandy sont alors sa véritable marque de fabrique. Et Bored to Death, dont il compose également le générique, de devenir une série doudou et une référence pour son acteur principal. Après un épisode dans Parks & Recreation, il se lance avec Roman Coppola dans l’écriture de Mozart In The Jungle, l’une des premières séries à être lancée sur la plateforme d’Amazon. Le début d’une nouvelle ère de consommation et une plongée dans le monde de la musique (classique) avec Gael Garcia Bernal et Malcom McDowell. En plus du scénario, Schwartzman y joue un rôle et produit. Bel effort pour cette série qui lance en 2018 sa quatrième saison ! 


Entre temps, il rejoint le casting hallucinant de Wet Hot American Summer : First Days of Camp, où s’agitent tous les comiques US du moment (Paul Rudd, Amy Poehler, Michael Cera, Kristen Wiig, Ken Marino, Joe Lo Truglio…). Une pochade jouissive à l’humour hautement régressif, orchestrée par David Wain (Role Models, Wanderlust, A Futile and Stupid Gesture…).

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Ne pas trop se prendre au sérieux, mais faire les choses avec confiance et envie, voilà donc le credo de Jason Schwartzman. Après avoir prêté sa voix au manga Neo Yokio, il reviendra, fidèle, dans le petit monde de Wes Anderson en 2018, scénariste de son nouveau film d’animation plus qu’attendu, The Isle Of Dogs… Cet acteur discret, à l’élégance rare, qui souhaitait à la naissance de son enfant lui faire écouter du Brian Eno, du Dylan et du Leonard Cohen mérite sûrement plus de reconnaissance de la part du grand public, mais travaille au rythme de ses envies et de la musique. 


« Quand je travaille un rôle, je me demande ce que le personnage écouterait comme musique. Alors j’écoute cette musique » déclarait-il lors d’une interview. Comment ne pas aimer un acteur avec ce charme, ce charisme, cette culture, cette moustache, cette discrétion ? Et qui mène sa carrière comme ses fûts : à la baguette.