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Happy Meal : les festins de Kevin McCallister dans Maman j'ai raté l'avion

Quoi de plus adéquat en ces jours de fête que les festins garantis sans contrôle parental de Kevin McCallister ?
Happy Meal : les festins de Kevin McCallister dans Maman j'ai raté l'avion

Quoi de plus adéquat en ces jours de fête que les festins garantis sans contrôle parental de Kevin McCallister ? 


Par Clément Arbrun. Article issu du Rockyrama n°33 - Joyeux Noël, toujours disponible sur notre shop !

À l'instar des repas de Thanksgiving, Maman j'ai raté l'avion est éternel. Ce classique nous est si familier qu'on en oublie presque de saluer sa singularité. En l'occurrence, son mélange des tonalités, marque de fabrique de son scénariste John Hughes. Sur le papier, ce film est un conte de fées. Un enfant turbulent se réveille un jour, stupéfait : il a fait disparaître sa famille après l'avoir fortement souhaité. Dès lors, deux croquemitaines vont venir lui chercher querelle dans son palais. Ajoutez à cela sa frousse pour une chaudière particulièrement infernale (située au sous-sol, évidemment), et vous obtenez cette légère dose de magie qui confère à l’œuvre sa dimension universelle. Mais c'est bien de l'auteur de Oncle Buck et La Folle Journée de Ferris Bueller dont il est question ici. Alors forcément, ce postulat va vite vriller au burlesque. Pour se défendre, notre Tom Sawyer des banlieues bourgeoises va effectivement déployer tout l'arsenal des comédies slapstick. Et les croquemitaines (deux cambrioleurs) de devenir les Laurel et Hardy de cette farce délirante.


Seulement voilà, qui dit farce dit dinde, qui dit dinde dit nourriture. Et elle occupe une place considérable dans Maman j'ai raté l'avion, ainsi que dans sa suite tout aussi mémorable (si, si). Car que fait un gosse livré à lui-même ? Il dévalise le frigo, pardi ! De la scène des courses (« Madame, je n'ai que huit ans, vous pensez vraiment qu'on me laisserait seul ?») à la première dégustation de sundae devant la télévision (beaucoup de chocolat, beaucoup de boules de glace et quelques cerises pour la forme) en passant par le canular du livreur de chez Little Nero's Pizza, la bouffe squatte bien des séquences cultes. On pourrait encore citer le paquet de Crunch Tators avec lequel Kevin accompagne son ice cream (des chips de pomme de terre épicées disparues des supermarchés depuis) ou bien l'assiette de mac & cheese que notre protagoniste savoure mélancoliquement, un verre à pied rempli de lait frais en guise d'accompagnement. Ne manquent que les cookies.

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Dans la plus grande tradition américaine, le sequel Maman j'ai encore raté l'avion se souhaite bigger & louder et compense son statut de redite (pas trop) déguisée en instants culinaires inoubliables. Cette fois-ci, Kevin est bien décidé à croquer la Grosse Pomme et se retrouve dans une chambre du Plaza Hotel de New York. Au menu ? Glace sundae devant la télé (on ne peut pas toujours déborder d'inventivité), buffet de desserts apporté par un serveur, pizza mâchouillée dans une limousine. Il faut croire que Kevin McCallister vit sa meilleure vie dans la peau de Richie Rich (personnage que Macaulay Culkin incarnera deux ans plus tard). Face à cet étalage insouciant de junk food, on ne s'étonnera guère de voir Donald Trump apparaître à l'accueil de l'hôtel. Quiconque connaît les habitudes alimentaires de l'ancien Président opinera du chef.


Malgré le postulat de base, force est de constater que les festins de Kevin McCallister se rapprochent moins des scènes culinaires des contes (Hansel et Gretel, Le bonhomme en pain d'épice, Boucle d'or et les trois ours) que de projections plus modernes, celles d'un jeune public rêvant de faire flamber la carte de crédit de papa. C'est cela qui rend ce personnage si formidable (pour certains) ou détestable (pour d'autres) : au sein de cette famille américaine aux revenus que l'on imagine très confortables, Kevin assume complètement son statut d'enfant terrible de la société consumériste. Supermarchés, livraison de pizzas et services d'hôtels luxueux font partie de l'american way of life et donc de son petit monde. Quand il se retrouve solo, ce mini roi fait parler son âme capitaliste, dévore les marchandises et rabaisse ceux qui les délivrent – du livreur de pizzas traumatisé au groom humilié. On adore détester ce chouchou de l'Amérique, car au fond, il ne fait qu'exacerber en mode cartoon live les attitudes antipathiques des adultes qui l'entourent. Oui, oui, Kevin aide aussi les plus démunis, mais c'est sa cruauté ingénieuse qui l'a rendu si légendaire. Quand il s'agit de faire souffrir, notre héros est insatiable. Aussi naturel pour lui que de dévorer une quatre fromages.

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Mais qui a dit que les enfants étaient forcément de vrais chérubins ? Certainement pas ceux qui ont façonné le meilleur de la littérature jeunesse anglophone, de Roald Dahl (Charlie et la chocolaterie) à Maurice Sendak (Max et les maximonstres). Kevin, cependant, est loin de Charlie Buckett, ce môme qui observe avec candeur les pitreries de Willy Wonka. À la chocolaterie, on l'imagine volontiers se goinfrer de confiseries voire s'amuser des sorts abominables de ses camarades. Mais l'avenir fut tout autre pour Kevin McCallister. En 2013, Macaulay Culkin avait bien changé et on pouvait le voir déguster durant quatre minutes et vingt-sept secondes une grosse part de pizza (encore, oui), dans la fameuse vidéo YouTube Macaulay Culkin Eating A Slice Of Pizza. Un happening warholien mis en ligne par son groupe de rock parodique, The Pizza Underground. Un crew qui, comme son nom l'indique, pastichait les chansons du groupe The Velvet Underground en agrémentant les paroles originelles d'une salve d'allusions au nirvana de la gastronomie italienne. Le happy meal au centre de ce clip aux quatre millions de vues ressemble plus à une margherita post-gueule de bois qu'à un repas festif. 


Bon, tout cela manque un peu de féerie. Rappelez-vous donc qu'il est tout à fait possible de vivre le rêve new-yorkais de Kevin. Si, si, l'hôtel Plaza propose depuis quelques années une « Home Alone Experience ». Au menu ? Balade en limousine quatre heures durant dans la ville de New York, pizza au fromage taille familiale, glace pantagruélique assortie de chantilly, de M&M's, de morceaux de brownie, de coulis de framboise et de caramel... « Perdez-vous à New York, à la manière de Kevin McCallister ! », se réjouit le Plaza sur son site. Reste cependant à savoir si votre carte de crédit suivra.


Par Clément Arbrun.