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Le Samouraï, Jean-Pierre Melville, 1967.

Des volutes de fumée, un bouvreuil qui siffle et Alain Delon, allongé sur un lit de fortune dans un appartement miteux. L’ouverture du Samouraï de Jean-Pierre Melville est autant une vision, que le sommet de son esthétique.
Le Samouraï, Jean-Pierre Melville, 1967.

Des volutes de fumée, un bouvreuil qui siffle et Alain Delon, allongé sur un lit de fortune dans un appartement miteux. L’ouverture du Samouraï de Jean-Pierre Melville est autant une vision, que le sommet de son esthétique. Le tueur à gages Jef Costello et son minuscule oiseau ne font qu’un, partageant la même cage insalubre, le même destin funeste. Jef Costello a le sang-froid, un infroissable costume et la marque de la fatalité. « Je veux qu’à la première image de mes films policiers, on se dise “ah celui-là, il est mort”. En le voyant, tout de suite, c’est essentiel » lance le réalisateur lors d'une interview avec Rodolphe-Maurice Arlaud pour la RTS en juillet 1967.


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Ce long-métrage marque un entre-deux dans le cinéma de Melville. Lors du tournage, un incendie vient ravager ses studios de Jenner dans le 13e arrondissement de Paris ; un vieil entrepôt découvert en 1947, qui devient son lieu de travail attitré à partir des Enfants terribles en 1949. L’endroit était devenu une partie de son âme, le poussant à tourner toujours plus, sans s’arrêter. Pourtant, Le Samouraï devait exister. Envers et contre tout.



Quand Alain Delon contacte Melville pour faire un film avec lui, ce dernier lui propose des adaptations de différents romans, en vain. La question des droits vient sans cesse compliquer la donne. Au point que le réalisateur, qui à l’ordinaire préfère ne pas miser sur ses propres écrits, propose à l’acteur un scénario original, qu’il a lui-même écrit quelques années plus tôt et dans lequel il imaginait déjà Alain Delon dans le rôle-titre. Alors qu’un soir, habitué à conjuguer l’obscurité et le texte, Melville se décide enfin à lui lire, la réponse du Guépard ne se fait pas attendre : « Je tourne ça, Jean-Pierre, et rien d’autre. » 



Ce film s’inscrit dans les obsessions de Melville. La solitude de l’homme est l’un des thèmes de prédilection du réalisateur, qui voit dans Jef Costello un ronin moderne, c’est-à-dire un samouraï sans maître, perdu dans une grande ville moderne. Le titre du film vient d’ailleurs à la fois de la ressemblance physique d’Alain Delon avec un samouraï, selon le réalisateur, mais aussi et surtout d’une phrase du bushido, le livre-cadre des principes moraux de cette caste guerrière, qui lui reste en mémoire : « Il n'y a pas de plus profonde solitude que celle du samouraï, si ce n'est celle du tigre dans la jungle, peut-être...? », une citation qui ouvrira d’ailleurs cette œuvre.

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Pour Melville, l’inlassable confrontation entre les gangsters et les policiers apparaît comme le sommet de la tragédie. Le policier croisé avec le western devient la forme la plus parfaite du cinéma, loin devant les approches philosophiques et intellectuelles de ses débuts. Cet entrepreneur du spectacle répond ainsi autant au besoin du spectateur qu'aux siens. Il remplit les salles en remplissant les imaginations. Entre faux réalisme, vérité et prémonitions, le spectateur du Samouraï n’est ainsi jamais sorti de la boîte de nuit où se noue et se dénoue l’intrigue de chef-d’oeuvre, restant figé dans les yeux profonds de la pianiste Valérie, interprétée par l’immortelle Cathy Rosier.



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