« Mister Miracle » : le retour des rois
Presque 50 années se sont écoulées depuis la création du « Fourth World » de Jack « the King » Kirby. Pour son retour en grâce, le « Mister Miracle » de Tom King se devait d’être exceptionnel.Presque 50 années se sont écoulées depuis la création du « Fourth World » de Jack « the King » Kirby. Pour son retour en grâce, le « Mister Miracle » de Tom King se devait d’être exceptionnel.
En 1970, après de longues années sous l’égide de Marvel, Jack Kirby débarquait chez DC Comics. Il allait créer un « 4ème monde » dont les résultantes directes seraient les séries « Mister Miracle » et « New Gods », néo-dieux natifs de planètes jumelles : Néo-Genesis et Apokolips, dont la lutte intestine allait s’étendre jusqu’à Métropolis.
Août 2017 : Tom King et Mitch Gerards lançaient le premier volet de la toute nouvelle série de « Mister Miracle », issue du lègue de Kirby dont le héros éponyme reste malgré tout assez méconnu du grand public.
Cette saga n’a pourtant rien d’un hommage ou d’une relecture, même si le respect du matériau d’origine est prégnant. « Mister Miracle » s’inscrit dans la tradition des grandes œuvres marquées par une époque, comme les « Watchmen » ou « TDKR » l’étaient à la fin des années 80. Il est d’ailleurs inutile d’être accro à DC ou de connaître parfaitement l’univers des « New-Gods », pour s’emparer de cette œuvre. King et Gerards reprennent avec une simplicité et une fluidité étonnante toutes les caractéristiques de ces nouveaux dieux, en faisant une synthèse de leurs origines, mais en allant plus loin, beaucoup plus loin, au delà même de toutes nos espérances.
Quand Kirby crée les New-Gods, il s’inspire de la tragédie antique et le personnage de « Mister Miracle » cristallise cet héritage. En guise d’introduction, Tom King reprend la trame de Kirby : une guerre fait rage depuis toujours entre Néo-Genesis et Apokolips. Afin d’apaiser le conflit, le Haut-Père et son rival Darkseid vont échanger leurs progénitures. Orion, le fils du tyran sera élevé avec amour sur Néo-Genesis alors que Scott Free va grandir dans la terreur. Ce dernier va passer de longues années à tenter d’échapper aux griffes de la tyrannique Mamie Bonheur. Au terme d’une enfance de souffrance, Scott réussira à s’évader puis décidera de se cacher sur Terre. Là, il deviendra l’ami de Thaddeus Brown, un maitre de l’évasion qui le prendra sous son aile. À la mort de ce dernier, Scott décidera de prendre le pseudonyme et le costume de son mentor pour devenir le nouveau « Mister Miracle ». Accompagné de sa bien aimée Big Barda, elle aussi issue des fosses d’Apokolips, Scott aura son heure de gloire et accompagnera les plus grands héros de la Terre au sein de la « Justice League ».
Tom King, scénariste entre autre des séries « Sheriff of Babylon », « Omega Men » ou encore « Vision », cherche à prendre le pouls de son époque, à la fois pleine d’attentes, d’espoir et de désenchantement. La vie de Scott Free reflète la perception du monde vu à travers les yeux de King et offre une myriade de références qui constituent le sous-texte du récit. Ce maelström artistique est structuré sur plus de 300 pages dans un gaufrier de 9 cases par pages, que seul un artiste comme Mike Gerards pouvait sublimer.
Le récit commence par la tentative de suicide ratée de son héros qui le met face à une prison qu’il s’est lui même créé. La paranoïa qui s’empare de Scott va être retranscrite par le dessin de Gerards qui combine les ambiances en fonction de la psyché du héros. Le récit parvient à un parfait dosage de réflexion et d’action. Nous assistons à la guerre que va lancer Orion contre Apokolips et la montée progressive du totalitarisme de Néo-Genesis, de façon rampante, presque passive. Scott, à la recherche de lui-même, va tenter de se reconstruire au milieu d’un conflit sanglant. Ses racines, il les trouvera dans la banalité de son quotidien sur Terre avec la femme qu’il aime alors que la guerre fait rage tout autour de lui. Au milieu de ses succès et de ses échecs, Scott parviendra, si ce n’est à trouver le bonheur, du moins donner un sens à sa vie. Car « Mister Miracle » est une épopée galactique, un récit politique, une analyse introspective, mais qui parle d’amour, surtout d’amour.
« Mister Miracle » n’est plus seulement le personnage drôle et coloré qu’il était dans les années 70 et 80, il n’est pas non plus un héros « grim and gritty » comme pouvait l’être le Batman de Frank Miller. Entre les pattes de Tom King, il est devenu un héros complexe, n’entrant dans aucune case. Nous sommes en 2019 et « Mister Miracle » fait parti de ces histoires réussissant à faire naître une synergie entre de l’Entertainment pur et une épopée intimiste, soulevant des questions philosophiques, théologiques et sociétales. « Mister Miracle » est une saga qui va continuer à vivre en nous, même après sa lecture ; c’est sans doute ça l’apanage des grandes œuvres.
Christophe BALME
« Mister Miracle » est disponible chez Urban Comics.
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