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Saga : un voyage intergalactique à couper le souffle

Si depuis quelques années, nous sommes en train de vivre un nouvel « âge d’or » des comics, c’est en grande partie grâce à l’éditeur américain « Image Comics ».
Saga : un voyage intergalactique à couper le souffle

Si depuis quelques années, nous sommes en train de vivre un nouvel « âge d’or » des comics, c’est en grande partie grâce à l’éditeur américain « Image Comics ». Depuis sa création en 1992 par des cadors venus de Marvel et DC, comme Jim Lee, Erik Larsen, Jim Valentino, Marc Silvestri ou encore Todd McFarlane (oui j’oublie volontairement ce bon vieux Rob), Image a su apporter un souffle nouveau au monde sclérosé des comics.

 

Si la première phase s’est distinguée grâce à des séries comme « Spawn »,  « Savage Dragon » ou « WildCATS » ; c’est bien la série « The Walking Dead » de Robert Kirkman (qui avait déjà officié chez Image dans la très bonne série « Invincible ») qui a fait rentrer l’éditeur de plein pied dans le 21ème siècle. Actuellement, nous vivons une troisième phase où pléthore d’excellents titres voient le jour, mais le fer de lance de cette nouvelle révolution est sans nul doute la série fantastique de Brian K. Vaughan et Fiona Staples: « Saga ».

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En seulement 6 albums, cette aventure galactique est devenue un incontournable du marché du comics. Cette saga n’est pas seulement une relecture de « Roméo et Juliette », mais elle une véritable épopée fantastique qui nous embarque aux confins de la galaxie, au milieu d’une guerre intestine.


Alana vient de la planète Landfall, perpétuellement en guerre contre son seul satellite, la planète Wreath d’où Marko est originaire. Les premiers sont un peuple ailés et technologique, tandis que l’autre est cornu et féru de magie. Si les deux civilisations se détestent, ça n’empêche pourtant pas Marko et Alana de s’aimer et de fuir le conflit. En tant que déserteurs, ils sont la cible des deux factions, d’autant plus que le fruit de leur amour, la petite Hazel, est considéré comme une aberration qui doit disparaître.


« Saga », c’est donc l’histoire de ce bébé qu’on va voir grandir au fil des tomes, qui va être chahuté de planète en planète, se faire des amis, connaitre des drames et des trahisons, voir ses parents s’aimer et se déchirer, bref vivre.

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Brian K. Vaughan nourrit son récit d’histoires personnelles et de souvenirs de gosse. « Saga » est une aventure qu’il a commencé à construire quand il était à l’école, aussi bien influencé par « Star Wars », par « Flash Gordon » que par le « Surfeur d’Argent » ; il a pourtant réussi à mettre aussi des pans entiers de sa vie privée. De la paternité aux aléas de la vie de couple, on retrouve tout ce qui fait le sel de la vie. Brian K. Vaughan propose une certaine philosophie qui s’appuie ses expériences, ses erreurs et qui se nourrit de rencontres que l’on fait. La force du récit repose sur les interactions entre les protagonistes, tous écrit avec une grande justesse. Pas ou peu de manichéisme au cours de ces six tomes qui nous proposent une palette de personnages hauts en couleurs.


D’abord poursuivis par le Prince Robot IV et le Testament, un chasseur de prime impitoyable, Alana et Marko vont tout faire pour préserver leur cocon familial et donner du bonheur à leur enfant. Tout comme la trilogie de Lucas, le comics de Brian K. Vaughan et Fiona Staples est bel et bien construit comme une saga familiale qui dépasse le cadre de l’histoire d’Hazel et de ses parents. Toutefois, les ressemblances avec « Star Wars » s’arrêtent assez vite, car même si la série suit une forme de schéma narratif tout droit inspiré du « Monomythe » de Campbell, il n’y a pas ici d’Empire galactique du mal. Les personnages ne sont pas basiques et offrent aux lecteurs un panel très varié d’émotions. Le Prince Robot IV n’a rien d’un Vador ou d’un Empereur Sith ; lui aussi va apprendre à être père au fil du récit, idem pour le Testament qui va trouver l’amour puis le perdre et passer d’un personnage badass à un héros mélancolique. Vaughan va ainsi jouer sur plusieurs tableaux avec une gamme de sentiments très complexe, à l’image du Chat mensonge, animal de compagnie excentrique, qui peut nous faire passer du rire aux larmes en quelques pages.


« Saga » est construit comme une histoire réelle dans un univers insensé. On retrouve les problématiques de tout un chacun, que se soit le sexe, la politique, la drogue ou la perte, condensés dans un univers où les baby sitters sont des fantômes et où les phoques sont armés de haches.

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Et puis il faut dire que les volumes disponibles sont une belle claque visuelle. Fiona Staples arrive à retranscrire l’univers complètement barjot de Vaughan et propose aussi bien un charadesign complètement fou, que des prouesses visuelles hallucinantes. On est bien loin des héros bodybuildés ou des femmes hyper-sexualisées, ici, derrière un trait en apparence assez simple, se cache un travail qui fourmille de petits détails, où chaque pièce est à sa place et qui nous font dire que rarement un duo d’auteur n’a aussi bien fonctionné.


Difficile de résumer « Saga », mais c’est un récit insensé et pourtant très moderne, où une famille va être pourchassée pour le simple faire d’être différente. Alana et Marko n’aspirent qu’au bonheur, alors que devant eux se dressent les barrières de l’intolérance et de la connerie humaine.

Sans pour autant être un oeuvre militante, « Saga » prône la raison et le fait que l’important, ce ne sont pas les erreurs que l’on fait, mais la route qu’on prend, qu’il y’a un temps pour le pardon, mais aussi un temps pour l’action. C’est pour toutes ces raisons que le récit de Vaughan et Staples est une oeuvre magistrale, un récit épique à la fois simple et bouleversant, qui parle de tout sans tabou. Un récit où l’ascenseur émotionnel vous fera passer du rire au larmes, une de ces histoires qu’on ne peut oublier.


Christophe Balme

Le sixième tome de Saga vient de sortir en France chez Urban Comics.