THE HUNT CRAIG ZOBEL (2020)
Si les films de Craig Zobel sont plutôt passés inaperçus chez nous (Compliance en 2012, Z For Zachariah (Les Survivants) en 2015, il se pourrait bien que le 3e, The Hunt (directement en VOD), fasse enfin parler de lui, même si ce n’est pas que pour dSi les films de Craig Zobel sont plutôt passés inaperçus chez nous (Compliance en 2012, Z For Zachariah (Les Survivants) en 2015, il se pourrait bien que le 3e, The Hunt (directement en VOD), fasse enfin parler de lui, même si ce n’est pas que pour des raisons artistiques.
Annoncé comme ultra-violent, son sujet tournant autour des armes à feu, le film est déprogrammé peu avant sa sortie américaine en septembre 2019, suite aux attentats d’El Paso et de Dayton. S’ensuit alors quelques critiques du camp républicain, qui fustige la vision partisane du film, relayées par Donald Trump lui-même, bien qu’il n’ait jamais vu le film. Il n’en fallait pas plus pour que le buzz monte autour d’un projet hautement inflammable. La sortie est alors programmée le 13 mars, mais le coronavirus vient alors définitivement moucher les ambitions de ses producteurs (encore un projet BlumHouse, les nouveaux boss de l’horreur low-budget). Le film arrive donc sur la VOD, précédé de sa réputation sulfureuse. Ceci étant dit, pas sûr, vu les propos tenus, et le second degré, que le film ait pu trouver son public aux USA !
ATTENTION SPOILERS.
Sous des atours d’énième film de chasse à l’homme dégénérée, The HUNT joue avec les codes attendus du genre, avant de les envoyer valser au bout de 15 mn. La blonde et le grand musclé ne seront pas les héros de ce film-là. Sans être élitiste, le film est bien trop malin et avant-gardiste pour trouver une audience qui ne prenne pas parti dans un pays divisé entre démocrates et républicains, entre pro et anti armement. Mais le propos voulu par ses scénaristes est justement d’impliquer les 2 camps et de montrer que tout le monde est responsable d’une situation devenue incontrôlable (10 000 morts par an à cause des armes à feu). Damon Lindelof et Nick Cuse (The Leftovers, Watchmen…), s’en donnent à coeur joie dans cette satire ultra violente, bien plus maligne qu’il n’y parait, derrière ses plans empruntés aux survivals et aux films hard-boil. Mais ce qui intéressent les 2 hommes se situe ailleurs.
Le sujet ici ? Un groupe d’ultra riches (dont on ne sait pas grand chose pendant la moitié du film), kidnappe des citoyens américains et les élimine dans une immense chasse à l’homme censée se dérouler dans le Vermont. Qui sont les chassés, que veulent les chasseurs ? Le film est une analyse assez pertinente des luttes qui agitent la toile depuis l’émergence de Twitter dans les commentaires politiques ou sociaux, fait d’attaques gratuites, personnelles, de règlements de compte ou de délations en tous genres. Le web est devenu le royaume des complotistes et réacs qui trouvent là une audience souvent larguée et peu au fait de l’actualité. A force de voir le mal partout, certains créent à force les évènements qu’ils dénonçaient sans preuve…Le noeud du film se joue donc ici. Une poignée de riches libéraux s’amusent à chasser une poignée de rednecks bas de plafond, chasseurs d’éléphants, racistes, suprémacistes, homophobes qui répandent leur fiel sur les réseaux en s’attaquant aux riches, aux puissants, au pouvoir, ou au bon goût, sans réfléchir ou vérifier leur propos…De potentiels électeurs de Trump en somme…Bienvenue au royaume de la fake news.
Oui, mais en face, la poignée de libéraux dépeints ici (sont-ils de droite ou de gauche?), sont aussi montrés comme les gardiens intégristes du temple d’une bienveillance nouvelle où l’on ne dit plus noir, mais afro-américain, où l’on ne s’approprie pas la culture de l’autre (mais l’Amérique s’est fondée sur l’appropriation culturelle de centaines de peuples…), où l’on respecte les femmes et les genres dans une attitude si peu naturelle qu’elle en devient suspecte. Une pensée javellisée, terriblement faux-cul, et plus que méprisante envers les cultures populaires. Ceux qui lisent contre les ploucs qui regardent la TV, ceux qui votent Trump contre ceux qui votent Obama…Les deux clans réglant tout de même leurs problèmes à grand renfort d’armes à feu. On est aux Etats-Unis. Le Far-West n’a jamais été aussi proche. Il y a toujours un porc qu’il faut détruire (les russes, les cocos, les cubains, les mexicains, les musulmans, les aliens, les chinois, le voisin, le patron…).
Tout le monde en prend donc pour son grade. Le film faisant aussi un détour habile par l’Europe et les vagues de migrants qui déferlent depuis quelques années…et par la corruption qui va avec, car elle n’est jamais très loin du pouvoir en place. Dans ce jeu de massacre en règle, le film fait surtout la part belle aux femmes, appelées à devenir de plus en plus les héroïnes de films contemporains, #metoo oblige. Ici un face à face musclé entre la revenante Hilary Swank (très affutée) et la badass Betty Gilpin (Glow, Nurse Jackie), très Lara Croft. Le film nous dit qu’il faudra un brin d’intelligence pour se sortir de ce monde masculin, mais surtout qu’il faudra être une guerrière.
La liberté est à ce prix.
Texte par Fabrice Bonnet (@toiletteintime)