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Alien : créatures de papier

Il existe un autre monde. Un autre monde fait de règles, et d’hommes et de femmes prêts à les transgresser. Un monde plus vaste que celui établi sur le grand écran par Scott, Cameron, Fincher et Jeunet. Un univers étendu officiel certes, pas réelleme
Alien : créatures de papier

Il existe un autre monde. Un autre monde fait de règles, et d’hommes et de femmes prêts à les transgresser. Un monde plus vaste que celui établi sur le grand écran par Scott, Cameron, Fincher et Jeunet. Un univers étendu officiel certes, pas réellement canon, et disons-le honnêtement, franchement bordélique. Treize novélisations, pas moins. Sept recueils omnibus. Au total, 37 histoires que nous qualifierons poliment, pour la plupart, de “dérivées” de l’univers cinématographique, sur pas moins de quarante années de récits, de fantaisies, et de débordements.


“Ils viennent en silence comme la mort dans la nuit. Ce sont de parfaites machines à tuer. Ils sont : les Aliens. Et certaines personnes les apprécient plus que tout. Mais tenter de créer une arme d'une telle puissance est un jeu très dangereux pour les habitants de la Terre”. Le pitch est connu, il est au coeur même des quatre premiers films officiels de la saga, avant que Ridley Scott ne décide de revenir aux affaires et d’explorer un tout autre versant (plus religieux, moins militaire) de l’histoire. Cette histoire, faite de créatures mythiques et féroces, d’hommes au coeur faible affrontant la pureté de quelques survivants, est le terreau idéal pour la pousse d’esprits fertiles, comme celui d’Alan Dean Foster. Né le 18 novembre 1946 à New York, Foster est un écrivain de science-fiction et un scénariste américain. On lui doit notamment le scénario du long-métrage Star Trek sorti en 1979, poste obtenu après qu’il se soit fait la main sur les novélisations de Star Trek: The Animated Series, dès 1974, Son CV inclut également, en vrac : Dark Star (novélisation du film de John Carpenter), Outland (novélisation du film de Peter Hyams), et même Star Wars. Et pour celles et ceux qui posent la question au fond: une novélisation est l'adaptation sous forme de roman d'une histoire développée à l'origine dans un autre média.


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Tout débute en 1979, quelques mois même avant la sortie du film Alien en salles, avec la novélisation de ce même film, écrite donc par Foster. Publiée le 29 mars 1979, cette variation qui se veut adaptation mais s’en démarque par bien des aspects, est le tout premier ouvrage consacré à la saga, mais pourtant non l’un des plus fidèles. Certes, certains écarts ne sont ici qu’anecdotiques. Ainsi, chez Foster, l’équipage se réveille nu dans leurs caissons, tandis que visuellement, l’oeuf contenant le Facehugger est ici opaque, et ne s’ouvre pas afin de laisser échapper la créature (non, le Facehugger se contente tout simplement de faire exploser le sommet de son cocon). Son design lui-même est différent : conformément à quelques dessins préparatoires dévoilés par H.R. Giger, le Facehugger, dans le livre, s’agrippe à l’aide de ventouses semblables à celles que l’on peut observer sur des pieuvres. Dans le film, rien de tout cela. Plus tard, le chestbuster du livre possède des bras et des jambes, ce que Ridley Scott décidera de supprimer avant le tournage. Enfin, dans le roman, la créature une fois adulte possède des yeux (là encore, selon des dessins de Giger) mais pas de mâchoire, tuant ses victimes à mains nues. Toutes ces différences ne sont en revanche pas incluses dans la novélisation de Aliens, publiée le 1er juin 1986, ce qui peut provoquer chez le lecteur quelques haussements de sourcil. Ainsi, dans Alien, le roman, la créature, lors de la confrontation finale, se fait empalée, tandis que dans Aliens, le roman, sa fin est semblable à celle présentée dans Alien, le film. Vous suivez ? Cela se complique encore par la suite.


En 1986, Foster récidive donc (en respectant cette fois-ci le déroulé du film à la lettre, incluant même les scènes qui ne figureront que plus tard sur l’édition spéciale, ces coupes n’ayant été opérées que peu de temps avant la sortie en salles). Le 11 juin 1992 paraît chez Warner Books la novélisation d’Alien 3, là encore respectueuse de l’édition spéciale du film, et mettant donc en scène Clemens marchant sur la plage et assistant au crash du vaisseau, Golic libérant la bête, etc… A noter que la novélisation d’Alien 3 ne bénéficia pas d’une, mais de deux adaptations audio : une première l’année même de sa sortie, et lue par Lance Henriksen (Bishop), une seconde en 2015 interprétée par Peter Guinness (Gregor). En 1997, Alan Dean Foster n’est plus à l’oeuvre pour la novélisation du film de Jean-Pierre Jeunet (il ne reviendra que 25 années plus tard pour écrire celle de Covenant), remplacé par Ann Carol Crispin, née le 5 avril 1950 à Stamford dans le Connecticut et morte le 6 septembre 2013 à Waldorf dans le Maryland, qui travailla par le passé sur Star Trek mais aussi sur Star Wars, créant La Trilogie Yan Solo (titre original : The Han Solo Trilogy), romans centrés sur le célèbre personnage et se déroulant avant les évènements décrits dans le film Star Wars, épisode IV : Un nouvel espoir. Là encore, le roman adaptant le quatrième volet des aventures de Ripley suit la trame du long-métrage, à quelques innovations prêt (certains passages sont écrits du point de vue de la Reine Clonée, explicitant ainsi le fait que oui, Ripley et elle partagent les mêmes souvenirs).


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Poursuivons ici le récit en se basant sur la chronologie cinématographique. En 2012, une novélisation de Prometheus paraît, uniquement au Japon. Le 26 septembre 2017, quelques mois à peine donc après la parution de celle de Covenant, paraît un roman inédit, Alien : Covenant - Origins. Là encore écrit par Foster (pour ce qui est sa cinquième incursion dans l’univers Alien, mais sa toute première création originale), cette histoire, tout ce qu’il y a de plus officielle et de plus canon donc, ne présente que peu d’intérêt, si ce n’est celui de faire découvrir aux lecteurs le monde que les colons laissent derrière eux. Point de Xenomorph ici. Point d’enjeux non plus. Un pitch, tout de même : “la mission du Covenant est l’activité la plus ambitieuse de l’histoire de Weyland-Yutani. Un navire à destination d'Origae-6, transportant deux mille colons au-delà des limites de l'espace connu, constitue un investissement décisif pour la société - et pour l'avenir de l'humanité. (...) Alors que le navire de la colonie plane en orbite terrestre, plusieurs événements violents révèlent un complot mortel visant à saboter le lancement. Alors que le capitaine Jacob Branson et son épouse Daniels achèvent leurs préparatifs, le chef de la sécurité, Daniel Lopé, recrute le dernier membre clé de son équipe. Ensemble, ils cherchent à arrêter les auteurs avant que le navire et ses passagers ne puissent être détruits”. Voilà pour l’histoire romancée inspirée par celle imprimée sur pellicule. Maintenant, faisons un pas de côté. Un pas de géant.


Car si les long-métrages bénéficient de leurs novélisation, il en va de même pour les comics, et même pour certains jeux vidéo. Ainsi, l’excellent Alien Isolation, jeu vidéo d’action-aventure en vue à la première personne édité par Sega, publié en 2014 et disponible PlayStation 3, PlayStation 4, Xbox 360 et Xbox One, aura cet été le droit (après une publication initialement annoncée pour le mois de janvier 2019), à son adaptation littéraire. A la manoeuvre : Keith DeCandido, un habitué de l’exercice (Buffy, Star Trek, Command & Conquer…) avec des envies de liberté, puisque selon lui, seuls les deux premiers tiers du roman adopteront la trame du jeu mettant en scène la fille de Ripley, Amanda, quinze années après les évènements du premier film. L’ultime partie, elle, s’attachera à raconter l’histoire de la famille Ripley, en particulier les relations entre Amanda et son beau-père. Zula Hendricks, personnage bien connu des fans apparu dans les séries de comics Aliens : Defiance et Aliens : Resistance, sera elle aussi de la partie (le personnage étant également annoncé dans une aventure originale, Prototype, également prévue pour cette année). Et du côté des comics ?


Aliens : Earth Hive, paru le 1er septembre 1992, est une adaptation des comics Aliens : Outbreak. Nightmare Asylum, sa suite directe, parue l’année suivante, est la novélisation de la série de comics du même nom. The Female War, également publiée en 1993, est l’adaptation des comics Female War. Trois romans donc, constituant une trilogie bouclée, et écrite par Steve Perry en solo, rejoint par sa fille, Stephani, pour l’ultime volet. Pitch ? “Wilks est un marine doté d'un défaut presque fatal: il avait un cœur. Billie était un enfant, le seul survivant d'un avant-poste de colonie éloigné. Réunis dans la dernière nuit infernale d'une invasion extraterrestre, Billie et Wilks se sont entraidés pour s'en sortir vivants. Treize ans plus tard, Wilks est en prison et Billie vit dans un établissement psychiatrique, les souvenirs cauchemardesques du massacre lui revenant à l'esprit. Le gouvernement a maintenant demandé à Wilks de mener une expédition sur la planète d'origine des Aliens pour ramener un Alien vivant. Mais la concurrence sur Terre pour développer les Aliens en tant que nouveau système d’armement est brutale. Lorsque l'équipe de Wilks part en mission, un assassin bien entraîné est à leurs trousses. Et ce qui suit n’est rien d’autre que la guérilla sur la planète des Aliens - et la conquête des Aliens sur Terre !”. Une bien étrange chose que cette trilogie de roman, jouant allègrement, parfois jusqu’à l’absurde, avec le matériau d’origine. Ici, Wilks et Billie ne sont finalement que des variations improvisées de Hicks et Newt. La raison en est toute simple : si le comics est paru avant la sortie du film de Fincher (liquidant, rappelons-le, le soldat et l’enfant dès les premières secondes), son adaptation, elle, n’est arrivée qu’après. Dans la suite, Nightmare Asylum donc, les deux héros font face, d’une part, à une planète Terre entièrement infestée de Xenomorphs, et d’autre part, à un Général fou (encore un), désireux de dresser une armée de créatures afin de reprendre le contrôle de la planète. Enfin, dans The Female War, Billie et Wilks croisent la route d’Ellen Ripley, supposée morte depuis des années. Là encore, si dans la série de comics du même nom, Hicks et Newt devaient croiser la route de la véritable Ellen Ripley, pas encore sacrifiée par Fincher, ici, les auteurs durent recourir à quelques ficelles un brin voyantes (non, nous ne vous dévoilerons rien).


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Nouvel auteur, nouvelle ère, ou presque, avec Aliens : Genocide de David Bischoff, décédé en 2018 et connu pour avoir contribué à des séries télévisées telles que Star Trek : La Nouvelle Génération. Et à partir de là, si le ton est tout aussi, disons, décomplexé que pour les précédents ouvrages, faisant fi de la cohérence, du sérieux des dialogues, et privilégiant le carnage à la peur diffuse, certaines histoires, tout en tutoyant le ridicule, n’en demeurent pas moins de véritable zones d’expérimentation. Genocide, encore une fois l’adaptation d’une série de comics, a au coeur de son intrigue la Royal Jelly, substance secrétée par les bestioles et employée par les humains comme une puissante drogue. Deux années plus tard, en 1995, même topo avec Alien Harvest, novélisation signée Robert Sheckley. Et si Aliens Rogue et Aliens : Labyrinth reviennent à des bases plus classiques (des scientifiques fous, la volonté de contrôler les créatures, etc…), avec Music Of The Spears en 1995, la saga étendue Alien tient son OVNI, son enfant particulier. La novélisation, signée Yvonne Navarro (actrice majeure du Buffyverse), des comics du même nom, met en scène un musicien excentrique, du nom de Damon Eddington, dont le but est : créer l’oeuvre musicale absolue, la Symphonie de la Haine, en exploitant le cri le plus terrifiant et sauvage de l’univers, le cri de rage du Xenomorph. “Mais où et comment va-t-il trouver ce cri insaisissable ?”. Dès l’ouvrage suivant, Berserker, les choses reviendront à une normal connue : des soldats, des morts…


Nous sommes désormais en 2005, et le 15 novembre paraît le tout premier roman original Alien. Non pas une adaptation de comics, mais une histoire absolument inédite… Tout premier ? Pas exactement. En effet, en 1992 est publié une véritable curiosité, Cyberantics : A Little Adventure. Un livre pour enfant, situé dans l’univers d’Alien (yep), et paru chez Dark Horse Comics. Signé Stan Mayakovsky, personnage fictif de cet univers, scientifique de génie accro à la Royal Jelly, il y raconte ses différentes expérimentations avec une fourmi robotisée, destinée à infiltrer par la suite une fourmilière (une histoire abordée dans la série Aliens : Harvest). Mais revenons en 2005. Aliens : Original Sin raconte l’après Alien La Résurrection, sept ans après le film de Jeunet donc. Une histoire simple, une lecture simple, rapide, contenant cependant quelques révélations : les membres survivants du film sont désormais sous les ordres de Ripley 8, et ont piraté des stations gouvernementales afin de recueillir des informations sur une organisation qui a été en contact avec la race du pilote du vaisseau vu dans le premier film Alien (ici nommée Mala'kak, c’était avant Prometheus), et fait des affaires avec eux pendant des siècles. Petit à petit, un complot est dévoilé au grand jour… Le plaisir ici est réservé aux fans, il y en a quelques uns, du quatrième film, le roman confirmant que oui, Ripley et Call sont toujours quelque part dans l’espace en train de botter des culs.


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Malheureusement, l’ouvrage suivant, DNA War, paru en 2006 et écrit par Diane Carey, s’attache à nous présenter de nouveaux personnages. Il en va de même pour Cauldron, en 2007 (même auteur), Steel Egg (préquel du premier film, écrit par John Shirley), Criminal Enterprise, No Exit (mettant en scène un détective se réveillant après trente ans de cryo-sleep)... Les oeuvres se suivent, se ressemblent toutes un peu, prenant de plus en plus de distance avec la mythologie établie pour conter des événements lointains et des histoires fermées. Out Of The Shadows, en 2014, vient rompre cette tradition à peine installée. Le roman de 320 pages de Tim Lebbon (un écrivain britannique ayant obtenu le prix British Fantasy de la meilleure nouvelle en 2000 et 2001, le prix Bram Stoker de la meilleure nouvelle courte et enfin le prix British Fantasy du meilleur roman court en 2009, bref, pas un débutant) se déroule entre Alien et Aliens. L’action se passe sur LV-178, planète exploitée pour ses ressources, plus tard abandonnée avant d’être de nouveau colonisée. Sont de retour : Ripley (qui, à la fin, comme c’est pratique, ne se souvient de rien, permettant ainsi de maintenir une certaine logique avec la série des films), et le robot Ash. Pour le reste, Out Of The Shadows s’apparente à une relecture peu habile quoique non désagréable du film de Cameron, et ouvre une nouvelle trilogie de roman. Dans la suite, Sea Of Sorrows, point de Ripley, mais l’un de ses lointains descendants, tandis que River Of Pain, concluant cette trilogie, s’avère en fait être un préquel de Sea Of Sorrows mettant en scène Ripley de retour sur terre, ainsi que la naissance de Newt. Attention, cela se complique par la suite : Sea Of Sorrows fut suivi, chronologiquement, de Predator : Incursion, premier d’une trilogie dont le deuxième volet se nomme Alien : Invasion, et se concluant avec Avien Vs. Predator : Armageddon, formant ainsi la Rage War Trilogy, écrite par Tim Lebbon. En 2017, retour à une certaine normalité, avec Bug Hunt, recueil de nouvelles de différentes auteurs mettant en scène différentes rencontres entre Marines et Xenomorphs, puis, l’année suivante, avec The Cold Forge, plaçant son récit dans une base secrète de Weyland-Yutani. Enfin, le 9 avril dernier est paru Alien : Echo, de Mira Grant. On y suit Olivia et sa soeur jumelle Viola. Leurs parents, tous deux xénobiologistes, sont toujours très demandés pour leurs recherches sur la biologie extraterrestre obscure. Tout juste installés dans une nouvelle colonie, ils découvrent une menace étrangère différente de tout ce qu'ils ont jamais vu. Mais que le lecteur connaît, à ce stade, déjà par coeur.


Mais alors, par où commencer ? Si nous devions vous prodiguer quelques conseils : Aliens: Rogue, Aliens: Nightmare Asylum, et Aliens: Berserker figurent sans doute parmi les oeuvres les plus divertissantes. Pour les plus techniques d’entre vous, ou les plus obsédé(e)s, alors nous nous devons d’ajouter ici Aliens: Colonial Marines. Initialement publié en 1995, il couvre tous les aspects de l'armement, de l'armure, des véhicules, des navires et de la tactique des Colonial Marines. En plus des armes vues dans les films, il en invente de nouvelles, comme le lance-roquettes M8 (aperçu par la suite dans les jeux vidéos opposant les aliens et les predators). Bref, un objet pour les fans. Mais finalement, quelle meilleure façon de débuter cette exploration avec, tout simplement, Alien, d'après le scénario de Dan O'Bannon. Le cinéphile jouera au jeu des différences. Le novice aura bien du mal à tourner les pages sans trembler.


Nico Prat



Article initialement paru dans le numéro Alien disponible ICI.