L'ascension de Skywalker : fiasco final
Ici se termine donc, tout du moins c'est ce que l'on voudrait nous faire croire, la saga des Skywalker. Promis, ici s'achève cette grande histoire débutée en 1977. Promis, un jour nouveau se lèvera. Mais d'abord, il faut conclure. Essayer. Critique,*** critique sans spoiler ***
Ici se termine donc, tout du moins c'est ce que l'on voudrait nous faire croire, la saga des Skywalker. Promis, ici s'achève cette grande histoire débutée en 1977. Promis, un jour nouveau se lèvera. Mais d'abord, il faut conclure. Essayer, en tout cas.
Qu'on apprécie, qu'on aime, qu'on déteste ou qu'on se moque de l'épisode réalisé par Rian Johnson, Les Derniers Jedi avait pour lui une vraie qualité, sinon une force : essayer de sortir la saga Star Wars d'un certain entre-soi. Depuis le début, depuis le tout premier film, chaque long métrage ou série, de très près ou de jamais trop loin, parle des Skywalker ou de leurs proches. Dans un univers aussi vaste, dans cette galaxie si lointaine, tout a toujours tourné autour d'une poignée d'individus. Rian Johnson osait ceci : si nous avons connu la Force au travers d'un festin familial grandiose (la première trilogie), elle n'est pas l'apanage d'un seul groupe de personnes, aussi charismatiques soient elles, elle est, en fait, en chacun de nous. Les Derniers Jedi se terminait ainsi sur le regard déterminé d'un enfant, vivant dans un coin reculé de la galaxie, inspiré par la Resistance et désireux, demain peut-être, de rejoindre le combat, et cette Histoire. De même, en anéantissant tout suspens autour des parents de Rey, Johnson était déterminé à ne pas faire de son Star Wars, et, idéalement, du suivant, l'histoire d'une seule entité, forcément si petite, si insignifiante. L'aventure méritait d'être bien plus belle, plus grande.
J.J Abrams, de toute évidence, ne l'entendait pas de cette oreille. L'ascension de Skywalker est une gifle envers le film de Johnson, et un cadeau pour tous les abrutis ayant signés la fameuse pétition appelant à un remake des Derniers Jedi. Mince, on entend même dans cet épisode IX des personnages commenter une action du vice-amiral Amilyn Holdo, presque moqueurs. Ici, machine arrière : Palpatine est de retour, Lando aussi. Pour le premier, l'explication est acceptée en quelques secondes, sans logique aucune. Pour le second, et bien, il est là. C'est tout. Parce que le fan, sans doute, le voulait. Malheureusement, Abrams ne se contente pas de regarder vers le passé sur dix, quinze, vingt ou trente ans. Au coeur même de son film, il se refuse à toute audace. Chaque mort est ici annulée en l'espace de quelques minutes. Chaque action un tant soit peu dramatique, audacieuse, est réduite à néant par une blague (ratée, on rit peu ici) ou une envie de surtout, surtout, ne pas faire de vagues. Alors, restent les gros vaisseaux et les sabres lasers super cool. Eux, sont partout.
En fait, on peine même à savoir de quoi parle L'ascension de Skywalker. Tout au long du film, nos héros sont à la recherche d'un objet, puis, d'un autre. Vain. On oublie un temps ce qu'ils font là, sur telle ou telle planète. Pas grave, tant qu'il y a du bruit, des éclairs et que ça vole vite. Et au milieu de tout cela, Abrams tente malgré tout de raconter quelques, non pas histoires, mais anecdotes sur nos héros. Ici, une ancienne camarade de Poe, là, d'autres déserteurs, comme Finn : temps de présence à l'écran, pas plus de trois minutes. Au milieu de ce marasme, de ce déluge de tout, surnage un nouveau droïde, forcément mignon. C'est si peu.
Alors oui, restent une mise en scène soignée la plupart du temps (en fait, jusqu'à la catastrophe finale, illisible), et quelques touchants moments que la décence nous empêche de raconter ici. Adam Driver est impeccable, mais Adam Driver est toujours impeccable. Et contrairement à ce que nous pouvions craindre, oui, la Princesse Leia a un rôle à jouer, un rôle conséquent (décédée avant le tournage, Abrams avait ressorti des tiroirs des scènes tournées par Carrie Fisher pour les inclure dans le scénario. On ne sait par quel miracle, cela fonctionne). Pour le reste... Si l'ambition était de nous voir rejuger à la hausse L'attaque des Clones, c'est réussi. Abrams se prend les pieds dans le tapis, ne parvient jamais à créer la moindre tension, le moindre enjeu réellement palpable.
Star Wars, depuis le début, est un conte générationnel. La même histoire, toujours, racontée à des époques différentes, à des enfants différents, à leurs parents qui grandissent. Un Nouvel Espoir raconte la même chose que La Menace Fantôme qui raconte la même chose que Le Réveil de la Force. Et cela nous convenait, tant que Star Wars avait le temps de nous manquer. Star Wars, désormais, ne nous manquera plus. Cette Ascension de Skywalker, fiasco presque intégral, ne nous en donne plus l'occasion. Et peu importe, puisque Disney ne nous en laissera pas le temps.
Nico Prat