Tell Me Who I Am : souvenirs, souvenirs

Il est des histoires tellement folles, improbables, que seule la réalité pouvait les fabriquer. Tell Me Who I Am est de celles-ci.

Ceci est l'histoire de deux frères, jumeaux parfaits, dont l'un va subir un grave accident de la route. Lorsqu'il se réveille, il ne se souvient de rien. Sa mère, sa maison, sa copine, ses souvenirs... Le monde entier est une vaste inconnue. Il ne reconnaît que son frère, son identique. Ce dernier va donc profiter de cette "chance" pour lui façonner un nouveau passé. Plus joyeux, plus normal aussi. Une vie de famille heureuse, des vacances à la plage, des repas de Noël enjoués... Mais tout est faux. Rien de tout cela n'a réellement existé. La réalité, en fait, est toute autre.

Il serait facile, face au flux ininterrompu de sorties Netflix, de passer à côté de ce documentaire d’Ed Perkins. Erreur. Dans la forme, d'une part, le réalisateur soigne son sujet, avec une mise en scène aussi sobre qu'inspiré, et deux "acteurs" qui s'expriment face caméra, jamais ensemble mais se répondant, avant une confrontation finale de toute beauté. Dans le fond, évidemment, aussi. On ne racontera rien de plus ici. Cette histoire vraie qui débute au Royaume-Uni, en 1982, quand Alex, 17 ans, ouvre les yeux dans une chambre d'hôpital, se poursuit au gré des anecdotes, des photographies. Mais le réel se mêle aux mensonges. L'homme bon devient salaud, la tendre mère devient monstre. Et on s'interroge : aurions-nous, à la place de Marcus, fait les mêmes choix ? Est-ce bien ? Est-ce mal ?

Tell Me Who I Am, au delà du choc, ou plutôt, des multiples révélations, nous questionne. Nous hante même. Cette photo, retrouvée dans un placard... Ce père, absent, dur... Autant d'indices dans ce qui serait une oeuvre hollywoodienne (le Nolan période Memento aurait sans aucun doute été inspiré par l'histoire), autant de blessures pour ces deux frangins unis, malgré eux, dans l'amour et le mensonge. Brillant.

Nico Prat