Created by Richard Schumannfrom the Noun Projecteclair_rocky
Design, Article & Cream
superstylo

Blue Velvet : Le bleu suave de David Lynch

Au commencement étaient la voix d’Isabella Rossellini, ou Dorothy Vallens, le regard de Kyle Maclachlan en Jeffrey Beaumont et le bleu suave de David Lynch.
Blue Velvet : Le bleu suave de David Lynch

Au commencement étaient la voix d’Isabella Rossellini, ou Dorothy Vallens, le regard de Kyle Maclachlan en Jeffrey Beaumont et le bleu suave de David Lynch. Non, Blue Velvet n’est pas un film. C’est tout un univers clos qui se concentre dans une réalisation hors du temps, où les bons sentiments contrecarrent les instincts les plus pervers. Absurde, profond et enclin au malaise, le film plonge ses racines au plus loin des pulsions de la psychologie humaine. L’excès devient la mesure, la démesure la normalité. Nous glissons peu à peu dans une oreille en décomposition, sans la moindre certitude d’en ressortir un jour.


Article par Pierre-William Fregonese, paru dans notre hors-série Video Pizza, toujours dispo sur notre shop

blue-velvet-le-bleu-suave-de-david-lynch

« Ce film parle des mystères de l’obscurité et de l’amour » explique David Lynch lors d’une interview à la télévision canadienne en 1986. Suite à la désillusion de l’adaptation de Dune en 1984, il s’oriente vers une œuvre bien plus personnelle, intime et sans contraintes suite à un avantageux deal avec Dino De Laurentiis. Par une violence sans borne, le réalisateur retrace son enfance paisible, heureuse, à Missoula, une ville du Montana, avec des maisons accueillantes, des rues bordées d’arbres, un ciel bleu et des parents qui ne se disputent jamais, ne boivent pas d’alcool, ni ne fument. Le décor est ainsi posé : des oiseaux qui chantent au matin, les fleurs rouges devant la clôture blanche et l’herbe fraîchement tondue qui attend d’être arrosée au rythme du rêve américain. Un panorama idyllique où s’inscrit à merveille la populaire chanson Blue Velvet de Bobby Vinton au début des années cinquante.

blue-velvet-le-bleu-suave-de-david-lynch

La plénitude ne dure qu’une poignée de secondes. Soudain, c’est la chute. La surface délicieuse dissimulait un dédale sombre, des méandres urbains où le regard va se perdre et l’esprit humain va côtoyer l’abysse. Le cinéma de David Lynch, et ce film en particulier, repose sur la découverte des entrailles de l’étrange malaise qui entoure les paysages les plus beaux, les gens heureux et toute apparence charmante ; un monde caché comme une rêverie malade et éveillée.

blue-velvet-le-bleu-suave-de-david-lynch

Une tension entre les belles émotions et leur corruption par la peur, une crise qu’incarne un Frank Booth aussi drôle qu’effrayant par son sadisme ambivalent. Dennis Hopper, dans une performance hallucinée, incarne ce sordide amoureux qui implose et explose séquence après séquence ; le burlesque et la controverse en un seul personnage. Pour anecdote, Dennis Hopper révélait à David Letterman, lors de la sortie du film, qu’il devait inhaler de l’hélium dans son fameux masque, mais que sa voix ressemblait ensuite beaucoup trop à celle de Donald Duck. Il convainc alors David Lynch de remplacer l’hélium par du gaz hilarant ! Effet garanti, effroi aussi.

 

Les scènes surprenantes, inattendues, s’enchaînent, et nous les vivons comme Jeffrey Beaumont. Entre le sourire aux lèvres et l’angoisse. Nous nous cachons dans le placard du salon de Dorothy Vallens, puis prenons un milkshake avec Sandy Williams, interprétée par Laura Dern, croisons une femme nue en pleine banlieue pavillonnaire, avant de baisser les yeux face au psychopathe, et de les relever pour le grand final de l’amour salvateur. Comme le chantait Alain Bashung dans Aucun Express en 1998, « Aucun express ne m’emmènera / Vers la félicité / Aucun tacot n'y accostera / Aucun Concorde n'aura ton envergure / Aucun navire n'y va / Sinon toi. »


Article par Pierre-William Fregonese, paru dans notre hors-série Video Pizza, toujours dispo sur notre shop