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Le générique : Halloween (2018)

À cet éternel retour, David Gordon Green confère un écrin aussi ludique qu'envoûtant. Une classieuse oraison funèbre pour un film morbide.
Le générique : Halloween (2018)

Écraser, réduire en miettes, anéantir. Puis tout recommencer. Encore. Ce qu'il y a de plus increvable dans un slasher, ce n'est pas le croquemitaine, mais le concept même du genre, propice à toutes les variations. À cet éternel retour, David Gordon Green confère un écrin aussi ludique qu'envoûtant. Une classieuse oraison funèbre pour un film morbide.

À elle seule, elle est aussi emblématique que Michael Myers. Et à son image, toujours, elle revient. Il n'y avait bien que John Carpenter pour faire de la citrouille la source de toutes les peurs. Révérence inégale mais sincère au maître de l'horreur, le Halloween deux point zéro du touche-à-tout David Gordon Green s'amuse de sa fonction d'héritier dès le générique d'ouverture, entre respect des modèles et irrévérence punk. Sur une idée du production designer Richard Wright et avec l'appui du studio Greenhaus GFX, la citrouille des années soixante-dix est de nouveau modélisée, mais soumise à un curieux rembobinage. D'abord écrasée, elle se recompose progressivement sous nos yeux ébahis. Sa forme arrondie éclot dans l'obscurité. Surpris, nous avons l'impression d'assister à la naissance d'un monstre, fait de chair et de lumière, dont les fentes grossièrement taillées reproduisent les expressions faciales humaines. Nombreux sont les slashers, des épisodes de Vendredi 13 à Chucky, la poupée de sang, à se focaliser sur la recomposition organique souvent méticuleuse et volontiers sanguinolente des croquemitaines-vedettes, reconstitués fil par fil, morceau par morceau. Mais dans Halloween, la citrouille est un personnage à part entière. Sorte de complémentarité allégorique de Michael, elle aussi a droit à une résurrection.

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Ce bête gimmick de la citrouille – qui introduit également le Halloween 2 de 1981 – résume bien la manière dont Carpenter envisage l'angoisse. Comme un sentiment diffus, qui naît de rien ou presque, une inquiétante étrangeté, un effroi aussi inattendu que tétanisant. Ce réalisme paranoïaque, David Gordon Green l'a bien compris. En témoigne le très immersif plan-séquence qu'il nous offre en cours de film. Le tueur masqué s'aventure au sein d'une banale demeure de banlieue pavillonnaire et, avec sauvagerie mais précision, tue une innocente victime. Puis, il repart par la porte d'entrée et s'immerge dans la foule des anonymes. Un court instant, le réel s'est fissuré. Le quotidien s'est fait parasiter. Cette métaphore du virus, nous la retrouvons d'ailleurs dans Le Sang du Sorcier, troisième Halloween dont le générique d'ouverture dévoile en un long dézoom cette même citrouille… mais pixelisée, téléchargée sur un écran numérique. L'image de la citrouille est simple comme bonjour, évidente et folklorique. Elle est aussi plutôt grotesque. L’œuvre qui suit l'est tout autant, assurant tant bien que mal un équilibre entre l'écrin le plus désuet – souvent réjouissant – et la modernité la plus brutale – jusqu'à ce traumatisant meurtre d'enfant. Entre les deux, David Gordon Green ne choisit pas son camp, suscitant au détour d'une scène la moquerie ou l'admiration. 

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Anniversaire oblige (La Nuit des masques fête alors ses quarante ans), cette réécriture du générique d'ouverture de 1978 assume son attrait old school, de sa typographie d'époque à ses couleurs si caractéristiques, en passant par son thème musical et cette amusante intention de dévoilement « image par image » nous renvoyant aux plus primaires des techniques cinématographiques. En vérité, cette scène d'introduction, qui a exigé une semaine de tournage et quelques centaines de dollars de budget, s'inscrit même dans la logique d'artisanat des slashers des années quatre-vingt : les citrouilles utilisées durant la prise d'images sont vraies, et non de simples effets spéciaux, leur destruction face-caméra ayant par la suite été re-shootée avec l'effet time-lapse. En ressort une séquence forcément organique, d'où émane une émotion très enfantine : on s'émerveillerait presque devant ce basique subterfuge formel. Si le générique d'ouverture du premier Halloween consistait simplement en un long zoom sur une citrouille statique éclairée à la bougie, Richard Wright a quant à lui décidé de tout faire bouger – caméra comme citrouille. Une façon de nous suggérer que ce retour-là sera le bon, une revisite neuve, qui pulse et s'anime, pleine de mouvements et donc de vie. 

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Et pourtant, TWIST ! Les trois scénaristes à la barre (David Gordon Green, Jeff Fradley, Danny McBride) ne font pas dans le feel-good movie. On reste plutôt sur cette image de la citrouille ravagée par la moisissure. La Bête est vieillie, somnolente, has-been, pas si motivée à l'idée de repartir – le film s'ouvre sur son difficile éveil, à visage découvert, moins désiré par un quelconque sursaut surnaturel que par quelques éléments perturbateurs extérieurs. Laurie Strode est quant à elle devenue une vieille dame tourmentée, recluse dans sa paranoïa et ravagée par la douleur, que d'aucuns considèrent comme à moitié folle. Loin de son tortionnaire, elle semble vivre sa vie comme un survival, et son désir de vengeance a des airs de malédiction. Il faudra attendre une série de meurtres, pour la plupart très crus et frontaux, pour que nos deux marginaux se rejoignent enfin. Histoire de fantômes, le Halloween nouvelle cuvée est l'oraison funèbre du slasher. Animé par une envie certaine de démystifier l'imaginaire qu'il investit, il maltraite ses idoles pour avouer qu'au fond, personne ne réussira à reproduire ce que seul Carpenter est parvenu à faire : nous faire frissonner…en se contentant d'un simple zoom sur une citrouille mollassonne. Tout ce qui lui a succédé depuis quarante ans n'est que bêtes citrouilles, agonisantes et péniblement remodelées, au travers d'un sous-genre qui subsiste laborieusement, entre figures damnées issues de franchises et néo-ersatz increvables. Pourtant le slasher perdure, comme saisi par cet effet de time-lapse qui traverse ce générique d'ouverture : accéléré, rembobiné, éternellement relancé et rebooté. C'est cette fatalité qui confère à chaque nouvelle histoire de boogeyman une étonnante patine mélancolique.


Le film de David Gordon Green sera diffusé ce lundi 25 octobre, dès 22h30 sur RTL9 !

Article par Clément Arbrun.

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