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Club VHS : Cannibal ! The musical

Cannibal ! The Musical (1993 – Trey Parker) Par Clément Arbrun
Club VHS : Cannibal ! The musical

Fait d'exception : malgré sa séquence d'ouverture sanglante (un pied de nez, en fait), voici un trauma qui n'a quasiment rien à voir avec le monde de Lloyd Kaufman. 


À dire vrai, pour concevoir Cannibal ! The Musical à sa juste valeur, il faut l'étudier comme le Reservoir Dogs / Sang pour Sang / Bound du duo Trey Parker & Matt Stone, c'est-à-dire le premier chef-d'œuvre éminemment personnel, film d'auteur par excellence, d'indéniables génies. Extension d'un trailer qu'il réalise avec son pote Matt Stone durant leurs années en école de ciné, cette biographie ultra-romancée d'un des plus célèbres cannibales de l'Histoire est déjà une belle illustration de l'univers de Trey Parker. Et cet univers n'est pas seulement loufoque : il est musical. À quatorze ans, Trey Parker enregistre un album de rock parodique, esquissant le lien qu'il ne cessera de raffermir, de ce premier long au show de Broadway Book of Mormons, entre la conception de la musique et l'intensité du comique. Car, du récit d'Alfred Packer à Baseketball en passant par moult épisodes de South Park, le spectateur assiste à une exploration de la satire aussi régressive que transgressive, où - grotesque total - même la moindre chanson est en vérité un gag. 


Un décalage forcé, surligné, pour ainsi dire cartoonesque, des gammes de chant employées aux expressions des acteurs, surjouant joyeusement, mais sans pour autant renier l'importance de la chorégraphie. À travers la musique, Parker ne choisit pas simplement de travestir l'Histoire par le sous-entendu grivois (When I was on top of you ), le non-sens pythonesque (Shpadoinkle !) ou la débilité pure (Let's Build a Snowman), mais, en optant pour un synopsis incongru lui-même inspiré d'un événement source de fantasmes, il use avec force ironie de multiples morceaux sans queue ni tête afin de distordre une réalité d'emblée chimérique, trop folle pour être vraie, allégorie (l'oncle Sam des grandes espérances devenu cannibale) qui ne demande qu'à être pastichée. Comme Pain and Gain, Cannibal ! The Musical traite du rêve américain et joue le jeu du based on a true story en déformant le plus possible ce réel par le biais d'idées saugrenues. Et en dépeignant ainsi une petite communauté minable – mineurs et trappeurs venus goûter à la ruée vers l'or – l'irrévérencieux duo préfigure le pathétique qui sera celui d'un Randy Marsh, tout en jouant de la mise en abyme. Ces ploucs en quête de richesses, ne serait-ce pas nos créateurs en question ? Et ce zombie agressif qui ne veut pas crever, ne serait-ce pas Hollywood, cet objet exterminateur raillé via Your studio and you (un spot parodique commandé par David Zucker himself), Orgazmo et Team America ? 


L'imaginaire populaire détourné à la sauce fuck off, c'est la recette de Parker & Stone, qui peu de temps après, dans le cadre d'une commande, délivreront leur conte de Noël atypique, The Spirit of Christmas, contenant Jésus vs Santa, c'est à dire rien de moins qu'une baston entre le Christ et le Père Noël ! Une carte d'entrée vers Comedy Central, et une introduction à ce qui sera le plus fameux divertissement de la chaîne : l'histoire, banale, a priori, de quelques gosses vivant dans le Colorado...


Cannibal ! The Musical (1993 – Trey Parker)


Par Clément Arbrun