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Image Comics : la maison d'édition qui pourrait faire trembler Marvel et DC

Cela fait déjà quelques années que la maison d’édition Image Comics semble lâcher des trucs toujours plus énormes sur les étals américains avec malheureusement toujours moins d’échos que le changement de sexe d’un superhéros Marvel.
Image Comics : la maison d'édition qui pourrait faire trembler Marvel et DC

Cela fait déjà quelques années que la maison d’édition Image Comics semble lâcher des trucs toujours plus énormes sur les étals américains avec malheureusement toujours moins d’échos que le changement de sexe d’un superhéros Marvel.


Alors que ce dernier s’auto-recycle à nouveau, sous fond de promo de son prochain blockbuster ciné, en engageant son univers dans un Civil War 2 (prévu pour Juin 2016) et que DC enchaîne les événements oubliables (« Divergence » l’année dernière) et se prépare à un nouveau relaunch avec « Rebirth », on peut comprendre que ce sentiment de vieux remis perpétuellement au goût du jour n'excite plus vraiment.

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Des concepts barrés et une ambition artistique souvent récompensée: à l’Image Comics Expo de janvier 2015, l’éditeur en chef résumait Image à une maison d’édition où « n’importe qui avec la bonne combinaison de tripes et de talent pouvait travailler au comics qu’il voulait, et dans les conditions souhaitées ». Et des tripes, on pense qu’il en fallait pour sortir un comics du type Sex Criminals. Ecrit par Matt Fraction (ok, il ne pariait pas non plus sur n’importe qui), ce mélange de « sex comedy », de comics d’aventure et de récit de passage à l’âge adulte sur un concept aussi barré qu’assumé graphiquement (des jeunes arrivant à figer le temps grâce à leurs orgasmes se mettent braquer des banques) est finalement passé par la case « top 10 des romans graphiques du Times en 2013 » pour être finalement l’un des comics les plus cool jamais lu.


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Il faut aussi parler de « Chew », comics d’enquête au postulat d’un autre monde : le détective Tony Chu assure grave dans son boulot, cela à condition de pouvoir activer son don de clairvoyance, en ingérant un peu de la scène du crime, une bouchée de la victime par exemple. Un talent débouchant régulièrement sur des cases à la teneur gastronomique pour le moins déviante et au service d’enquêtes toutes plus barrées les unes que les autres.

Des œuvres donc souvent portées par des concepts graphiques et narratifs forts mais sans pas gratuits. Aucune impression de gimmick par exemple sur « Saga », nouveau chef-d’œuvre de Brian K. Vaughan (« Y, The Last Man »). Cette série arrive ainsi à rendre complétement crédible la vie d’un couple et ses questionnements (comment vouloir élever un enfant dans un monde perpétuellement en guerre) sur fond de space opera sexy traversé de personnages aussi déjantés (mais jamais unidimensionnels) qu’exubérants visuellement. Une ambition artistique qui s’exprime même au travers d’initiatives comme le magazine Island, anthologie de comics enchaînant plus ou moins bien proses, illustrations, séries ou stand-alones.

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Mais la maison n’a pas encore complétement lâché les super-héros à la concurrence ou à ses partenaires (Top Cow ou TMP). Chez Image, on fait aussi dans le collant et la cape mais sans se contenter d’un twist méta pour sortir de l’ornière. La fantastique (dans tous les sens) série Gødland (2005 – 2012) semblait ainsi venir de la tête d’un Kirby, avec ses énormes planches ultra-colorées et loin de tout post-modernisme blafard. Une forme nostalgique pour cette histoire d’astronaute se crashant sur Mars pour finir avec des super-pouvoirs mais qui se révèle au fil des numéros résolument moderne. 


Certains pensent aussi que « Huck », en cours de publication et dessiné par Rafael Albuquerque (American Vampire), est le meilleur boulot de Mark Millar, toujours en pleine phase de rédemption du cynisme qui dominait ses œuvres il y a dix ans. Un peu dans le prolongement de « Superior », « Huck » respire ainsi la nostalgie d’une époque pré-« Watchmen » où le super-héros, force brute au service de la communauté et porteuse d’espoir, n’était pas forcément une cause perdue pour la psychanalyse.

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Difficile aujourd’hui de parler d’Image Comics sans évoquer les « Walking Dead », carton côté comics (la barre des 150 numéros vient d’être passée) mais aussi côté série télé. La dernière saison, résolument épique, est d’ailleurs censée introduire un bad guy qu’on espère immense. Les fans de films d’horreur ont beau faire parfois la fine bouche, il sera difficile de passer derrière Robert Kirkman dans le genre « apocalypse zombie ». Ce côté « table rase », il tente maintenant de l’appliquer à un autre genre bien connu des amateurs de frissons: la possession. « Outcast » met ainsi en scène un duo d’exorcistes peu orthodoxes aux prises avec ce qui semble être une véritable conspiration démoniaque reliant des cas jugés jusque-là isolés. Les premiers numéros sont très prometteurs, les possédés sont flippants et le dessin pose parfaitement une ambiance mélancolique et sombre. La série télé est déjà, évidemment, sur les rails.



Scott Snyder, mec dans le vent et également au top quand il bosse chez Vertigo (les superbes « American Vampire » et « The Wake ») ou DC (le Batman en cours), laisse sa fibre horrifique s'épanouir pleinement avec la très chouette mini-série « Wytches », histoire cruelle revisitant nos bonnes vieilles sorcières pour en faire des créatures forestières terrifiantes, porteuses de malédiction et se repaissant de jeunes têtes blondes.



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Enfin, avec la série « Nailbiter », Joshua Williamson et Mike Henderson propulsent le genre « enquête sur un serial-killer » dans une autre stratosphère. Car ici, l’investigation porte sur une ville entière, cette dernière ayant vu naître seize des pires serial killers des USA. Un agent du FBI bien torturé tente de dévoiler les tenants et aboutissants de cette malédiction alors qu’un boogeyman cornu semble lancé à ses trousses. Violente, drôle… La série «Nailbiter » est du genre à nous faire regretter de l’avoir découverte en cours de publication, tant l’attente entre des cliffhangers parfaitement amenés est cruelle. On rêve déjà d’une adaptation télé.

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Beaucoup ont reproché à Image Comics de verser dans l’horreur et la gore en série après le succès des Walking Dead. Même si on ne peut pas complétement donner tort aux détracteurs, difficile de ne pas reconnaître la grande diversité du catalogue publié ou en cours de publication. Bien sûr il y a eu des trucs pourris, du type « Satellite Sam », survendu parce que « Matt Fraction au commande ». Mais il y a de tout chez Image : space opera, bluette, action bad-ass, histoire de catcheurs...


Les amateurs d’œuvres plus « sensibles » apprécieront par exemple « Alex Ada ». Malgré un dessin parfois un peu inégal, cette romance entre un homme et une IA sensible évoque le meilleur de Black Mirror (S1E1 : la veuve achetant un robot aux traits de son défunt mari) et du film « Her » (même si on reste toujours en retard par rapport aux mangas japonais, les Chobits et compagnie).


La mini-série « I Kill Giants » joue aussi sur la corde sensible en nous plongeant dans le quotidien et la psyché d’une ado un peu geek s’auto-déclarant exterminatrice de géants qu’elle déclare réels, peut-être pour mieux encaisser les tragédies de la vie réelle. Cela jusqu’à ce que fantasy et réel commencent à se croiser dans un titre qui se lit beaucoup trop vite.

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Pour conclure et enfoncer le clou de la diversité chez Image Comics, lisez « Bitch Planet », par Kelly Sue DeConnick et Valentine De Landro, dystopie féministe badass mettant en scène des gladiateurs sur une planète-prison réservée aux femmes jugées comme non-conformes aux standards féminins imposés par le système en place. La série envoie des claques dans la tronche dès le premier numéro avec un twist mortel autour de « la détenue blanche qui n’a rien à faire là » (petite pique à Orange Is The New Black).   


Nous pourrions également parler de Lazarus, Manhattan Projects, Rat Queens, Southern Bastards, Prophet, Black Science. On s'arrêtera là. Lisez Image Comics !


Alexandre Beguin