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Jodie Foster : Derrière le masque de fer

Une intelligence acérée, une présence qui en impose, une maîtrise de chaque instant : Jodie Foster mène sa carrière sans faillir à Hollywood depuis plus de cinquante ans.
Jodie Foster : Derrière le masque de fer

Une intelligence acérée, une présence qui en impose, une maîtrise de chaque instant : Jodie Foster mène sa carrière sans faillir à Hollywood depuis plus de cinquante ans. Ex-enfant star ayant rebondi avec brio devant, puis derrière la caméra, elle résiste de film en film à toute catégorisation, à la facilité, aux coups durs et aux paillettes de la célébrité tout en contrôlant son image – quasiment sans aspérités – à l’extrême.

Par Delphine Valloire, un portrait à retrouver dans notre Rockyrama HS n°9 : Le Silence des agneaux.

Une prostituée de treize ans, un agent du FBI surentrainé, une scientifique obsédée par les signes de vie extraterrestres, une victime de viol exigeant justice, une jeune femme « sauvage » rencontrant la « civilisation », une mère menacée avec sa fille dans une panic room, une new-yorkaise traumatisée virant justicière implacable, une négociatrice cynique court-circuitant un casse à Wall Street, l’épouse d’un homme qui ne parle qu’à une marmotte en peluche et même une nonne unijambiste… Dans cette liste pour le moins éclectique, pas la moindre trace de l’ingénue de service, ou de la jolie fille qui fait rêver puis séduit le héros. Jodie Foster n’a jamais été cette actrice-là. Elle a été celle qui résiste. Celle qui en impose. Comme l’écrit Paul Auster dans La Chambre dérobée : « L’histoire n’est pas dans les mots, elle est dans la lutte. » Et la lutte de Jodie Foster – « enfant-écran » – commence très tôt. Née en 1962, elle est la petite dernière d’une famille constituée de quatre enfants, tenue à bout de bras par une mère célibataire, attachée de presse d’un producteur à Los Angeles. À 3 ans, elle devient presque par hasard la « petite fille » de la fameuse pub télé de la crème solaire Coppertone, et passe avec facilité aux séries, aux téléfilms, tournant abondement pour Disney. En interview, elle dira d’ailleurs souvent qu’elle n’a pas de souvenirs « avant la caméra ». Comme si dès la première pub, sa vie même était enregistrée pour le meilleur ou pour le pire. Son premier film de cinéma, Napoleon et Samantha en 1972, à neuf ans, la jette littéralement dans la gueule du lion. Alors qu’elle marchait devant un des fauves qui jouaient dans le film, celui-ci l’a happée dans sa gueule comme une poupée pour la secouer. Le dresseur parvient vite à lui faire lâcher la petite, mais Jodie gardera à vie les traces de crocs sur le ventre et le dos. Ainsi qu’une sainte horreur des chats. Si elle assure financièrement la vie de sa famille, Jodie Foster est néanmoins maintenue d’une main de fer (celle de sa mère) sur les rails. Sa mère est une militante féministe qui lui transmet vite sa cinéphilie, et inscrit cette enfant précoce au Lycée français de Los Angeles où elle apprend la langue et navigue tranquillement entre son destin d’actrice et celui de première de classe. À cette époque, comme elle l’explique devant le public du British Film Institute en novembre 2017, elle aime regarder le travail des techniciens sur le plateau : « Jeune, je n’avais pas beaucoup de respect pour le métier d’acteur. Il s’agissait juste de prononcer des répliques que quelqu’un d’autre avait écrites, mais j’étais fascinée par la caméra : remplir le magasin de pellicule, faire le point, etc. La technique me passionnait. C’était un rêve pour moi de devenir réalisatrice et d’assembler tous ces éléments, l’image, le son, la musique, le décor... en un ensemble incroyable. »

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Dès ses films pour Disney, Jodie Foster sort du lot : elle incarne souvent des enfants rebelles, vives, à l’aplomb certain. Jodie vit à ce moment-là au cœur d’Hollywood sur Cahuenga Boulevard, perpendiculaire à Hollywood Boulevard, à deux blocs à peine du Hollywood Walk of Fame, de ses cinémas, ses musées, ses boutiques de lingerie ou de spiritueux et ses tapineuses. En 1974, elle joue un rôle de petite arnaqueuse dans Alice n’est plus ici de Martin Scorsese. Son côté hors norme, un peu « garçon manqué » et sa voix rauque depuis l’enfance lui donnent une autre dimension, là où l’on demande souvent à des enfants actrices de n’être que « mignonnes ». À douze ans, avec déjà une expérience de vétéran de l’écran, elle arrive avec son uniforme d’écolière et ses socquettes au casting du nouveau film de Scorsese pour un rôle « limite » : celui d’Iris, une prostituée du même âge qu’elle dans Taxi Driver aux côtés de Robert De Niro. Elle va prêter à cette petite fugueuse son aplomb et sa (fausse) maturité, qu’elle saura teinter de doutes et d’angoisses au détour de ses conversations avec Travis Bickle, son « sauveur » borderline. Préalablement testée par un psychiatre pour confirmer qu’elle pourra supporter ce rôle, Jodie Foster va aussi beaucoup parler sur le plateau avec une jeune prostituée qui sert de modèle à Iris. Peu à l’aise avec ce personnage, De Niro et Scorsese, sous la surveillance précise de la mère de Jodie, vont la guider dans ces scènes assez violentes pour préserver au maximum son équilibre. Elle dira de cette expérience : « J’ai eu ce moment de révélation. J’ai réalisé que jouer pouvait être bien plus que ce que j’avais fait jusque-là. Je devais construire un personnage qui n’était pas moi. » Avec son mini short rouge, ses lunettes de soleil et sa grande capeline blanche, Iris devient un personnage qui frappe les esprits. Le film remporte une Palme d’or à Cannes en 1976, décernée de façon récalcitrante par le président de cette édition, Tennessee Williams, et Jodie y gagne sa première nomination à l’Oscar. La critique féroce du New Yorker, Pauline Kael, bluffée, écrit d’elle : « Jodie Foster est une enfant-actrice à la physicalité inhabituelle et semble ressentir ses lignes de dialogues – ses paroles sont siennes de manière convaincante. » L’actrice passe alors dans une autre dimension de notoriété, et de nouveaux rôles s’offrent à elle. Attirée par la subversion – toujours en accord avec sa mère – elle va jouer des rôles singuliers dans des films pas toujours réussis : une danseuse de club dans le film bizarroïde de gangsters joué par des enfants d’Alan Parker, Bugsy Malone, une outsider dans le thriller horrifique La petite fille du bout du chemin ou une adolescente fugueuse en pleine montée de désir dans le film français Moi, fleur bleue, aux côtés de Jean Yanne et de Bernard Giraudeau. Pour ce film, elle va enregistrer des chansons vraiment kitsch en français (dont l’inénarrable « Je t’attends depuis la nuit des temps ») et faire une promo demi-séductrice qui contraste avec un reportage de l’INA sur le plateau, où on la voit faire du skate avec ses « potes » au Trocadéro. En novembre 1977, elle chante dans l’émission de prime time de Marité et Gilbert Carpentier, en duo avec Claude François, le « Comic Strip » de Serge Gainsbourg... sur une balançoire. Lui en smoking noir à froufrou et elle en smoking blanc intégral impeccable. La séquence se clôt sur un moment de malaise extraordinaire où le chanteur fait semblant de flirter en lui susurrant des mots dans le cou.

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Jodie Foster possède l’intelligence, l’aplomb, une maturité et un sang-froid étonnants pour son âge : bref son capital « cool » explose littéralement. Évidemment, dans toutes ses interviews de l’époque, aux États-Unis, son androgynie revendiquée est évoquée de manière détournée ou non. Fin 1976, Andy Warhol, qui possède sans doute le meilleur « radar à star » du pays, va la mettre, à quatorze ans, en couverture de son magazine Interview. Au Café Pierre, à New York, c’est lui-même qui va sonder la gamine avec des questions orientées stratégiquement du type : « Alors, quand vas-tu te marier ? » Réponse de l’intéressée : « Jamais. J’espère... Ça serait ennuyeux – d’avoir à partager sa salle de bain... » Ce à quoi Warhol s’exclame avec à propos : « Mince, on croit en les mêmes choses. » Systématiquement habillée en costumes d’homme depuis Taxi Driver pour ses apparitions publiques, elle porte un costume noir et une chemise blanche, en mars 1978, dans le talk-show de Johnny Carson qui navigue à vue sur les allusions de la gamine du type : « Mon rêve ce serait de faire un remake d’un film de James Dean... où je jouerai le rôle de James Dean. Ce serait drôle ». À la sempiternelle question « as-tu un petit ami ? », elle s’exclame : « Na. Never... Never. » (Nan. Jamais... Jamais.) Suivi du rattrapage de haut vol, clos avec une blague : « Je suis trop jeune. [Rires] J’ai toujours été trop jeune. J’aimerais avoir cet âge-là toute ma vie en fait. Oh cet âge-là, mais avec une voiture hein. » Son refus de parler de sa vie privée et de son appartenance à la communauté LGBT jusqu’à son « non-coming out » aux Golden Globes en 2013 vient aussi de ce « forçage » permanent – un gap temporel qu’elle traverse entre les masques obligatoires du vieil Hollywood et une exposition, une visibilité « moderne » à tout prix. Après ces expériences, il est temps de prendre un break. Une pause stratégique dans un univers qui accepte peu les différences et dans un business où la carrière des ex-enfants stars tourne parfois au cauchemar. Solution : passer un diplôme à l’université qui lui permettra de rebondir quoi qu’il arrive. Bien sûr, ce ne sera pas n’importe quelle université, mais l’un des fleurons de l’Ivy League américaine, Yale, où Jodie – qui s’est toujours sentie dans son élément avec les études de haut niveau – va, non pas choisir la section arts dramatiques, mais la littérature et plus précisément la littérature afro-américaine (elle fera avec brio sa thèse sur l’écrivaine Toni Morrison).

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Mais, même là, dans ce cocon feutré et surconcentré des universitaires, le scandale la rattrape. À la fin de sa première année, le 30 mars 1981, un dénommé John Hinckley Jr. tente d’assassiner le Président Ronald Reagan qui est grièvement blessé. Obsédé par Jodie Foster qu’il suit et harcèle de poèmes et de lettres façon stalker depuis qu’il l’a vue dans Taxi Driver, Hinckley annonce qu’il a tiré sur Reagan pour « impressionner » l’actrice. En quelques heures, son nom devient irrémédiablement lié à celui d’un maniaque en proie à des délires. Elle est interrogée par le FBI, engage des avocats et se retrouve pourchassée des semaines durant sur son campus par des médias et des reporters agressifs. L’année suivante, elle écrit un essai sur le sujet pour le magazine Esquire intitulé « Why Me ? » (Pourquoi moi ?) qui remet les pendules à zéro sur l’épreuve qu’elle a subie : « Un homme peut acheter un poster, l’épingler sur son casier et imaginer les moindres détails d’une starlette filiforme. Il la connaîtra de bout en bout. Il va posséder sa réalité extérieure. Alors bien sûr, Hinkley me “connaissait”. Cette femme à l’écran utilisait sa boîte à malices et se représentait elle-même pour que tout le monde l’évalue, la connaisse, la ramène à la maison. […] L’obsession est une douleur et le désir de quelque chose qui n’existe pas. Le plus grand crime de John Hinkley a été cette confusion entre l’amour et l’obsession. La banalisation de l’amour est quelque chose que je ne lui pardonnerai jamais. Son ignorance me pousse à dire qu’il lui manque beaucoup de choses. L’amour est heureux. L’obsession est pitoyable, complaisante. C’est une leçon que j’ai apprise. Je me méfierai toujours des gens qui proclament leur amour pour moi. Je sais ce qu’est l’amour. Le savent-ils, eux ? »


En 1985, Jodie Foster sort diplômée, mais rame pour trouver des rôles à sa mesure. Deux années de projets médiocres se succèdent avant que n’arrive le rôle de Sarah Tobias dans Les Accusés qui reste à ce jour l’un des films les plus frappants sur le viol. Les deux scènes d’ouverture marquent déjà une performance d’anthologie pour Foster : dans la première, elle s’échappe de nuit d’un café comme un animal blessé après avoir été violée par trois hommes ; dans la seconde, elle subit le froid constat des infirmières et de son avocate avec photos de ses blessures à l’appui. Sarah Tobias, serveuse un peu vulgaire, grande gueule au bout du rouleau, se bat et littéralement « fonce dans le tas » pour obtenir justice. L’actrice obtient son premier Oscar haut la main pour ce rôle. La statuette dorée devient un joker dans sa manche quand elle se met en lice pour le rôle de Clarice Starling dans Le Silence des agneaux. Après avoir lu le livre de Thomas Harris, Foster souhaite en produire une adaptation quand elle apprend que les droits du roman sont déjà vendus. Le film devait alors être réalisé par l’acteur Gene Hackman qui se désiste, jugeant le scénario trop violent. Pour son successeur, Jonathan Demme, le choix est déjà fait : ce sera Michelle Pfeiffer. Jodie Foster, ne se démontant pas, prend l’avion seulement pour déclarer au réalisateur : « Je voudrais être votre second choix ». Quand Pfeiffer se retire du projet, elle obtient le rôle. Devant le public du British Film Institute, elle explique sa motivation profonde pour jouer le personnage de Clarice : « Toute ma vie, j’ai joué beaucoup de victimes, et ces choses qu’on leur fait subir font partie de l’histoire des femmes. Ce serait mentir que de ne jouer que des présidents ou des docteurs. Jouer ces victimes fait partie d’un processus de guérison, comme jouer finalement la femme qui allait sauver les femmes. Cette femme qui sauve les femmes voit un reflet d’elle-même dans les femmes qu’elle essaie de sauver. Ce film explore aussi un classique de la mythologie où un héros va sauver son royaume d’un mal extrême en traversant des épreuves et en affrontant des démons. Mais après avoir sauvé tout le monde, il se rend compte qu’en ayant appris toutes ces choses terribles sur le monde et sur lui-même, il ne peut plus appartenir à sa communauté. »

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Comme à son habitude, pendant le tournage, elle prépare le rôle et travaille d’arrache-pied, sur le mode « première à arriver et dernière à partir » dont elle a l’habitude. Sa version de Clarice dégage à la fois un mélange de force sidérante – celle d’une femme ayant tout à prouver – et de vulnérabilité totale, surtout dans ses face-à-face avec Hannibal Lecter / Anthony Hopkins. Durant l’unique journée de lecture du script, Jodie Foster trouve l’acteur terrifiant. Une sensation qui va perdurer pendant toute la semaine de tournage avec Hopkins. Le scénario est si parfait qu’aucun mot ou presque n’est changé. Leurs face-à-face se déroulent de manière tronquée, puisqu’ils font face à la caméra et que les deux acteurs ne se voient pour ainsi dire pas. Hopkins est ainsi « scellé » dans sa cellule de verre le matin, puis « relâché » le soir. Le dernier jour, à la faveur d’une pause sandwich, ils vont – finalement – s’avouer qu’ils sont mutuellement impressionnés (voire terrifiés) et en rire. Cette idée de ne pas être à la hauteur a aussi « fondé » le personnage de Clarice, comme le précise l’actrice : « Clarice est traumatisée par un son ; il y a cette idée qu’elle a été traumatisée par le fait d’être petite, pas assez grande pour sauver ou pour aider quelqu’un et que le trauma de cet échec est ce qui fonde ce personnage. Elle a la délicatesse de quelqu’un qui sait qu’elle ne sera jamais assez grande pour accomplir la tâche qu’elle a devant elle à moins qu’elle n’y mette tout son extraordinaire talent qui est son cœur. » Évidemment, Jodie Foster remporte ici son second Oscar.

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Les personnages qui suivront seront toujours des rôles qui lui tiennent à cœur, qui trouvent un certain écho dans sa psyché : des mères célibataires féroces qui défendent leur progéniture (Panic Room, Flightplan, Carnage) ou des érudites/universitaires avec des idéaux (Contact, Anna et le roi). Le plus gros challenge, de son aveu, aura été le rôle de Nell, une jeune femme « sauvage » ayant grandi loin du monde moderne en développant son propre langage : « J’ai lu des millions de livres, pris des tonnes de cours de danse ou de jeu, et rien n’allait. Finalement, j’ai réalisé que le mieux était de boire tranquillement une tasse de café et d’attendre que l’on dise action ! La préparation était le chemin. […] Je suis quelqu’un de très intellectuel, c’est juste dans mon ADN et j’ai aimé jouer des personnages qui avaient beaucoup de niveaux de contrôle. Ils se contrôlent de multiples manières et vous commencez à entrevoir peu à peu certaines petites parts d’eux-mêmes qu’ils ne contrôlent pas... »


Le contrôle et l’amour du cinéma la mènent enfin à réaliser ses propres films, dont le premier – Le Petit Homme, en 1991 – prend encore la forme ultime d’une catharsis, puisqu’il raconte l’histoire d’un gamin surdoué et de sa mère célibataire (jouée par l’actrice elle-même). Elle tente aussi de réaliser un biopic de Leni Riefenstahl, la cinéaste sulfureuse du Troisième Reich, qu’elle n’arrivera jamais à monter. En janvier 2021, elle explique au New York Times en quoi son expérience devant la caméra l’a aidée en tant que réalisatrice : « J’ai appris des réalisateurs en les voyant faire des choses que je ne ferai jamais. David Fincher est un cinéaste extraordinaire, c’est aussi un metteur en scène fou et obsessionnel, avec son souci du détail, son sens de la technique. […] Spike Lee est tellement impatient. Il ne veut pas faire plus d’une ou deux prises, et il refuse de revenir au début d’une scène. Donc, si vous oubliez une phrase, il vous dira : “continue”. C’est frustrant en tant qu’acteur, parce que vous voulez que ce soit parfait, mais il y a un sentiment qui ressort de son travail que vous ne rencontrez nulle part ailleurs. Chaque réalisateur a quelque chose d’inhabituel dans sa façon d’aborder son travail. C’est leur psychologie. Je suis sûr que Spike a des antécédents d’impatience quand il était petit garçon. Les problèmes de troubles obsessionnels compulsifs de David Fincher sont évidents. A la prise 85, je me pourrais me tenir derrière lui et il dirait : “laquelle est la meilleure ?” Et je répondrais : “honnêtement, tu es un grand malade. Il n’y a rien de différent entre les trois dernières prises.” »

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Elle prend aussi un contrôle d’un autre genre avec sa société de production qui se nomme Egg, comme le nom d’un des personnages du film Hôtel New Hampshire dans lequel elle a joué en 1984 – le plus petit de la fratrie, partiellement sourd, qui meurt tragiquement dans un accident d’avion avant de pouvoir grandir. Dans le registre de l’introspection, suivront aussi un film sur les retrouvailles d’une famille « normalement » dysfonctionnelle pour le traditionnel Thanksgiving (Week-end en famille - 1995), le thriller Money Monster (2016) avec George Clooney et Julia Roberts, des épisodes des séries Orange is the New Black, Tales from the Loop et Black Mirror ou encore The Beaver (2011) un film avec Mel Gibson – un de ses meilleurs amis depuis le feel-good western Maverick en 1994 qu’elle soutiendra sans faillir en pleine tempête médiatique. Ses films sont à son image, concentrés sur les émotions, l’intellect, sans vraiment de point de vue esthétique. C’est le cheminement qui compte, l’écho du projet en elle, l’histoire et surtout, ces acteurs qu’elle admire par-dessus de tout  : « S’il y a une chose que j’ai appris avec Scorsese quand je jouais, c’est que c’est vraiment ça, le métier de réalisateur – rester derrière la caméra. Il est à l’intérieur du visage des acteurs, il fait l’expérience de ce dont ils font l’expérience – c’est ce qui se passe quand je réalise : j’expérimente leurs émotions. » Encore et toujours tournée vers sa vie intérieure, Jodie Foster a appris avec virtuosité à la projeter sur grand écran, ou à la raconter sans jamais combler cet espace entre son monde et le monde extérieur. Toujours dans le New York Times, elle révèle, cette résistance séminale, ce doute existentiel : « Je suis une personne solitaire tournée vers l’introspection dans un travail extraverti et externe. Je ne pense pas que je ne me sentirai jamais seule. C’est un sujet dans ma vie. Ce n’est pas une si mauvaise chose. Je n’ai pas besoin d’être connue de tout le monde. » Une disparition fantasmée, mais impossible si l’on pense à Iris, Clarice ou Sarah, éternelles sœurs de celluloïd de Jodie Foster, comme de toutes les femmes.