Created by Richard Schumannfrom the Noun Projecteclair_rocky
Design, Article & Cream
superstylo

Le générique : Once Upon a Time in Hollywood

De ses couleurs à sa typographie, le générique d’ouverture de Once Upon a Time in Hollywood est un digest pop et multidétaillé du cinéma de Quentin Tarantino. Culte.
Le générique : Once Upon a Time in Hollywood

La Nuit du générique organisée par l'association We Love Your Names revient cette année au Forum des images le 20 avril à 20h. Un événement gratuit mettant à l'honneur l'art du générique sous toutes ses formes (dont la billetterie en ligne est ouverte ici). La thématique de cette année est dédiée à Los Angeles, une ocassion toute particulière de se pencher sur le générique du dernier film de Quentin Tarantino.

De ses couleurs à sa typographie, le générique d’ouverture de Once Upon a Time in Hollywood est un digest pop et multidétaillé du cinéma de Quentin Tarantino. Culte.


Lent dézoom sur une affiche épique à l’effigie de Rick Dalton, star ringarde et tourmentée de westerns. Nous sommes dans une voiture. Au volant, l’impassible Cliff Booth, doublure de Dalton, lequel entre et ferme la portière. Tandis que nos deux larrons foncent au volant d’une superbe 1964 Volkswagen Karmann Ghia en direction d’un restaurant de Los Angeles, la comédienne Sharon Tate se déhanche dans un jet privé, déambule dans un aéroport sous les flashes des journalistes, puis se rend finalement dans son quartier résidentiel huppé. Cut.

le-generique-once-upon-a-time-in-hollywood

Voilà. C’est un générique d’ouverture ludique et groovy, a contrario du film qu’il inaugure – une œuvre qui prend son temps, comme le ferait une oraison funèbre. Un contrepied, déjà. D’autant plus que les touches d’humour abondent. Par exemple ? Les crédits de Leonardo Dicaprio et Brad Pitt sont inversés, le nom de l’un s’affichant dans le dos de l’autre, comme pour souffler la grande question – qui sera vraiment le « héros » de l’histoire ? – et mettre à égalité vedette et homme de l’ombre. Autre gag très cartoon : des flopées de cigarettes chutent sur les pieds de Rick Dalton lorsque ce dernier ouvre la portière, signe burlesque de sa profonde anxiété – les scènes suivantes le montrant de nouveau clope au bec. Et puis il y a l’humour kawaii, lorsque Sharon Tate installe dans ses bagages son petit toutou. Rien de gratuit dans cette mosaïque d’images, mais toute une note d’intention. Il s’agit d’introduire un univers où le grotesque enlace le mythe, où le décalage ne demande qu’à investir un microdétail, une ligne de dialogue, une scène, une seconde. Cet univers-là a toujours été celui de Quentin Tarantino.


Once Upon a Time in Hollywood est le film « solaire » de Tarantino, tout comme l’était Arrête-moi si tu peux pour Steven Spielberg – avec Dicaprio toujours. Et chez l’un comme chez l’autre, la métatextualité n’a rien d’un exercice de style sentencieux, non, elle détonne au contraire par sa légèreté. Ce décalage comme mise en abyme (réalité versus fiction, fausses stars versus histoire vraie, vedette versus doublure), le réalisateur de Reservoir Dogs l’affirme en une idée simple, limpide : ce dézoom progressif qui nous bascule du mythe au trivial, de la légende que l’on imprime (sur une affiche) aux « off » qu’elle suppose – doublure et comédien paniqué. Un simple dézoom, pour introduire tout un discours où amusement et réflexion se côtoient. À la fois dépeindre l’illusion propre aux mythes du cinéma et la vulnérabilité teintée de ridicule dissimulée sous le trompe-l’œil. Soit la ligne directrice d’un Pulp Fiction, film-concept consistant en une série de parenthèses ludiques au sein des coulisses de la culture populaire.

le-generique-once-upon-a-time-in-hollywood

Pulp Fiction, justement, fait son grand retour quand l’un des hôtes de Sharon Tate présent dans l’avion dégaine un twist similaire à celui de Vincent Vega. Puis surgit Kill Bill, cette fois-ci, puisque l’on voit Cliff Booth conduire sa Volkswagen Karmann Ghia toute de bleue peinturlurée – c’est ce modèle-là que conduit Beatrix Kidoo, alias la Mariée dans le second opus de ses frasques sanglantes. Jackie Brown, également, puisqu’il est question d’aéroport, lieu traversé par Pam Grier dans le générique d’ouverture du film éponyme – peut-être le meilleur générique de la filmographie de notre ami Quentin. Boulevard de la mort, enfin, de par cette typographie jaune qui envahit l’écran, et ce leitmotiv de la voiture qui trace en guise d’introduction parfaite. Un jaune criant que l’on retrouve d’ailleurs dès les premières images d’Inglorious Basterds. 


Rien d’étonnant dans ces troublantes similitudes d’ailleurs : nous devons ce générique au graphiste Jay Johnson, responsable – entre autres choses – des crédits d’ouverture de Kill Bill (les deux volumes), Django Unchained ou encore Les Huit Salopards. N’en jetez plus ! Ou plutôt si, jetez-en : « l’outro » de Once Upon a Time in Hollywood nous présente une publicité pour cigarettes en noir en blanc. Présentée par Rick Dalton, elle vante les vertus de la marque Red Apple dont raffolent les personnages de Pulp Fiction, Kill Bill et Les Huit Salopards. En off, le comédien nous souffle cependant que ces clopes « ont un goût de merde ».  


C’est comme si à force de recycler ses tropes, Quentin Tarantino avait fait de son propre cinéma sa référence première. Car l’influence de ces images d’intro, ce sont ses films, à ce point entrés dans la culture populaire depuis 28 ans que s’y référer a tout du geste rétro-maniaque. On est jamais aussi bien servi que par soi-même, suggère malicieusement le cinéaste. Après tout, l’histoire de ce conte de fées moderne est un peu la sienne aussi : celle d’une anomalie dans le système, d’un anonyme devenu figure majeure apparue pour parasiter et réinventer des genres – et les vedettes qui vont avec. Il était une fois Tarantino.


Article par Clément Arbrun.