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True Romance : Alabama vs. Virgil

Lorsque Quentin Tarantino co-écrit le scénario de True Romance avec Roger Avary, il choisit de s'inspirer directement de ce qu'il connaît. Le personnage principal, Clarence (Christian Slater), tient presque plus de l'autobiographie que de la fiction
True Romance : Alabama vs. Virgil

Article par Julie Le Baron à retrouver dans notre hors-série « La grande bagarre : 51 combats mortels à voir avant de mourir », disponible dès maintenant sur notre shopSortie en kiosques et librairies le 15 février 2022.

Lorsque Quentin Tarantino co-écrit le scénario de True Romance avec Roger Avary, il choisit de s'inspirer directement de ce qu'il connaît. Le personnage principal, Clarence (Christian Slater), tient presque plus de l'autobiographie que de la fiction : il travaille dans un magasin de comics (en lieu et place d'une boutique de location de VHS), se rend régulièrement au cinéma, et s'épanche souvent sur ses obsessions (à savoir les arts martiaux et Elvis Presley) auprès de qui veut l'entendre. Le personnage joué par Brad Pitt, un stoner constamment vissé sur son canapé avec un bong à portée de main, est un amalgame de tous les colocataires avec qui Tarantino a dû cohabiter quand il était trop fauché pour se prendre un appartement seul. On ignore cependant ce qui lui a inspiré le combat parfaitement inégal qui oppose James Gandolfini, qui incarne un tueur à gages nommé Virgil, et Patricia Arquette, qui joue le rôle d'Alabama – une call-girl tout juste mariée avec Clarence, qui s'avère être en possession d'une valise de cocaïne appartenant à la mafia italienne. 

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La scène est difficile à regarder parce que le spectateur est persuadé tout du long qu'Alabama va mourir, tout comme cette dernière nourrit peu d'espoirs sur son propre sort. C'est ce qu'on ressent aussi à la lecture de la version originale du script, où on peut lire : « Alabama plonge son regard dans celui de Virgil et réalise qu'elle va sûrement mourir, parce que cet homme va la tuer. » Après avoir demandé plusieurs fois où se trouve la cocaïne et frappé Alabama en plein visage, Virgil livre un monologue glaçant sur ses premiers meurtres (« La première fois est toujours la plus difficile, même si on est complètement taré ou qu'on s'appelle Jack l'Éventreur »), pendant que la jeune femme gît, le visage tuméfié, sur la moquette de sa chambre d'hôtel. 


Les deux acteurs ont préparé leur rôle de manière radicalement différente : dans le cas d'Arquette, cette préparation s'est résumée à trois semaines passées avec des prostituées, tandis que Gandolfini a dormi plusieurs jours dans un hôtel crasseux où il prenait des douches de manière très sporadique, allant jusqu'à abandonner l'idée même de laver ses sous-vêtements. Tout au long de cette scène, Gandolfini est froid, cruel, même s'il arbore le sourire mutin d'un écolier qui aurait glissé un coussin péteur sur la chaise de son professeur – c'est d'ailleurs cette performance qui poussera la directrice de casting des Soprano, Susan Fitzgerald, à l'inviter passer les auditions du rôle de Tony. Si la scène est aussi douloureuse, c'est aussi parce qu'elle est entrecoupée de moments où Clarence vaque tranquillement à ses occupations à l'autre bout de la ville, prenant le temps de commander des cheeseburgers à emporter et de discuter avec un inconnu de son article préféré sur Elvis, loin de se douter que sa femme est en train de se faire massacrer.

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Pour créer une juxtaposition étrange face au déferlement de violence de cette scène, Tony Scott a choisi de faire peindre un coucher de soleil à Hawaï sur le mur de la chambre d'hôtel où elle se déroule. Puis Alabama, dans une tradition propre aux héroïnes des histoires de Tarantino, décide de riposter en s'armant du tire-bouchon d'un couteau suisse. Dès lors, tout objet est bon à prendre pour se défendre : un buste en marbre blanc, du gel douche, le rebord d'une cuvette de toilettes, un désodorisant, puis la crosse d'un fusil à pompe. C'est un combat digne de celui de David contre Goliath, qui oppose une call-girl frêle à un monstrueux tueur à gages, et qui a nécessité cinq jours de tournage – et dont Alabama ressort enragée, couverte de sang, mais victorieuse. 


Article par Julie Le Baron à retrouver dans notre hors-série « La grande bagarre : 51 combats mortels à voir avant de mourir », disponible dès maintenant sur notre shop.

Sortie en kiosques et librairies le 15 février 2022.

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