Les Vengeurs : phase finale
(ATTENTION SPOILER) Onze ans après Iron Man, Avengers 4 débarque en salle avec pour volonté de clore un long arc narratif qui aurait commencé avec la première aventure de Tony Stark. Si conclusion (temporaire) il y a, c’est moins la fin d’un modèle q(ATTENTION SPOILER) Onze ans après Iron Man, Avengers 4 débarque en salle avec pour volonté de clore un long arc narratif qui aurait commencé avec la première aventure de Tony Stark. Si conclusion (temporaire) il y a, c’est moins la fin d’un modèle que celle d’une époque. C’était écrit, 2019 serait la fin des grandes sagas : GoT, Skywalker, la trilogie des « phases » du MCU.
Avengers 3 s’achevait avec un cliffhanger qui, bien qu’ayant un impact certain, était voué à être aussi éphémère que tous les simulacres de morts précédentes. Le casting passé à la trappe était passionnant par sa composition, car il offrait en contraste qui allait en être pour un dernier baroud d’honneur, à savoir les Avengers de 2012. Feige ne se plante pas en resserrant son casting pour offrir leur moment de bravoure à des duos iconiques sur le papier, qui ne l’avaient pas tant été jusqu’ici sur grand écran : Captain America et Iron Man, Black Widow – éternelle sidekick de luxe des deux premiers jusqu’ici – et Hawkeye – seule satisfaction de l’ère d’Ultron, absent depuis cet opus –, et enfin Thor et Rocket Racoon – davantage rassemblés ici pour teaser un Guardians 3. Ce foreshadowing est l’un des rares du film, qui semble enfin moins préoccupé par l’idée d’annoncer une ribambelle de suites que par celle de célébrer ses propres héros.
Autocentré au point d’être quasiment masturbatoire, le long-métrage confirme cette volonté dans le deuxième acte, qui voit ses personnages retourner dans leurs aventures passées pour rejouer ses moments les plus cultes, ou en tout cas ceux perçus comme tels. Ils semblent motivés par des sentiments égocentriques et égoïstes : ce qui les intéresse n’est pas tant de sauver le monde que de satisfaire leurs envies. Thanos a réglé les problèmes qu’il entendait résoudre : l'anthropocène, la surpopulation. Et ses antagonistes ne semblent en aucun cas contester ses raisons. Ils ne gagnent pas sur un plan théorique, ne lui répondent en aucun cas qu’il a eu tort (Cap va même dans son sens en parlant de la multiplication des baleines) ou qu’il est innommable de supprimer arbitrairement la moitié de la population (qu’on ne voit pour ainsi dire jamais) ou de se prendre pour Dieu. Ils veulent purement se venger (en cela on n’est pas trompés par le titre), succomber à leurs pulsions, sans hésiter à recourir par deux fois à la même méthode que leur ennemi, sans démontrer leur empathie pour le reste du monde qu’ils prétendent défendre.
Cela a pour effet de réduire l’impact dramatique que pourrait potentiellement avoir le premier acte, vite évacué par les blagues et par un potentiel de résolution ex machina, après une scène d’introduction qui montrait, pour une fois, une intention de mise en scène et un véritable enjeu dramatique, en décalque d’un certain Leftovers, série chouchou ici. Anecdote personnelle : à ce point habitué à l’humour à outrance, le public de ma salle a ri à cet instant. Le choix est fait de ne pas montrer l’impact sur les héros d’une extinction de masse, de leur plus grand échec, sur leur psyché ou sur leur légitimité. Cela est sacrifié sur l’autel des rebondissements perpétuel et de l’humour donc, avec une séquence qui est ressentie a posteriori comme un épilogue du volet précédent. Avant de basculer sur un five years later surprenant comme il faut.
On pense à l’anéantissement de la terre par Bou, vite oublié quand on sait que les Dragon Ball existent. La quête des Avengers ne va d’ailleurs pas beaucoup différer, il va s’agir de trouver non pas 7 mais 6 cristaux magiques pour tout annuler. La méthode utilisée, à savoir un mix entre L’Aventure intérieure et Retour vers le futur, cité pour être - un peu - moqué, est cohérente sur le fond et la forme : rejouer sa gloire passée. C’est ce pan du film qui paradoxalement est le moins attendu et le plus jouissif, quand bien même il réutilise jusqu’à l’overdose certaines images. Chaque personnage va voir le chemin qu’il a accompli et (enfin) les conséquences de ses propres décisions, avant de toucher au sublime le temps d’une séquence dans les 70’s avec ses deux têtes de pont. Le poids de l’héritage fait corps pour que les super héros s’accomplissent. Un ascenseur émotionnel dans lequel chacun s’embarque, littéralement, pour descendre dans son « moi » profond. Les blagues ont pour elles de faire mouche quasiment à chaque coup, mention spéciale à Chris Hemsworth, décidément fabuleux acteur comique.
Le troisième et dernier acte où l’action débute véritablement est le plus indigeste, avec une baston finale sans aucun sens ni gestion de l’espace et une iconisation à outrance qui tombe parfois à plat. Les cross-overs papiers sont souvent décevants sur cet aspect, le respect est ici de mise. On regrettera encore une fois le destin de certains personnages, entre les maltraités (on se demande pourquoi Spidey a encore un masque et une identité secrète) les catastrophes (Captain Marvel en tête), ceux qui sont ici en présentiel (Doc Strange et Black Panther) ou ceux qui auraient dû partir depuis longtemps (War Machine, Winter Soldier, c’est de vous dont on parle). Reste le départ de l’icône de la franchise, Robert Downey Jr, qui s’offre la fin dont la franchise avait besoin ; et celui de Chris Evans qui a la fin qu’il mérite, au mépris cependant du peu de cohérence qu’il restait au scénario.
On prend un plaisir de gamin, tout du long des trois heures, à voir le season finale d’une série qui s’assume comme telle, enfin, sans faire semblant d’avoir d’autres ambitions que de s’autocongratuler, dans un moment de communion avec les fans qui auront grandi et vieilli de onze ans avec une saga de qualité variable, mais régulière parsemée de moments de bravoure, dans lesquels cet Endgame figure donc en bonne place.
Boris BIRON