Videodrome : « Je préfère voir ça à la télévision que dans la rue »
À l’origine, David Cronenberg s’est inspiré de ses longues nuits passées à regarder la télévision pour en faire une critique.À Toronto, Max Renn est le directeur d’une chaîne de télévision qui diffuse des vidéos pornographiques ou extrêmement violentes, parfois les deux à la fois. Lorsqu’il est invité dans une émission pour en discuter, il se voit interrogé sur sa potentielle contribution à un climat social placé sous le signe de la violence et du malaise sexuel. Mais aux yeux de Max, sa chaîne est un exutoire aux fantasmes et aux frustrations de ses téléspectateurs, et comme il le résumera dans une scène ultérieure : « Je préfère voir ça à la télévision que dans la rue ». Alors qu’il est en quête de vidéos de plus en plus explicites pour maintenir son audience, il découvre l’émission Videodrome, vraisemblablement diffusée depuis la Malaisie, qui semble montrer des scènes de torture réelles. Peu de temps après l’avoir visionnée, il est pris d’hallucinations plus étranges les unes que les autres : il voit notamment un pistolet se greffer à la chair de sa main, il glisse sa tête dans l’écran d’une télévision sur lequel figure la bouche d’une femme qu’il vient de rencontrer, avant de découvrir une immense fente dans son abdomen et de devenir lui-même un magnétoscope humain.
À l’origine, David Cronenberg s’est inspiré de ses longues nuits passées à regarder la télévision pour en faire une critique. Quand il était encore enfant, il raconte avoir capté des signaux d’émissions provenant de la ville de Buffalo, dans l’État de New York, alors que les chaînes locales canadiennes avaient déjà cessé d’émettre. Dans la version commentée de son film, il raconte qu’il craignait de tomber sur des images dérangeantes n’étant pas destinées à être vues par le public – une peur qui présage de notre époque actuelle, où n’importe quelle vidéo ultra violente se trouve à portée de clic. « Je n’ai jamais vu mon travail comme celui d’un prophète, au contraire d’auteurs de science-fiction comme Arthur C. Clarke, qui a notamment prédit la communication par satellite », a-t-il confié à Interview Magazine en 2014. « Je ne m’étais jamais intéressé à cet aspect. Mais j’imagine que j’étais au fait de ce qui était déjà en train de se jouer à l’époque. » Comme dans le reste de son œuvre, Cronenberg questionne les fascinations les plus sombres de l’être humain, à grand renfort de scènes de body horror – un sous-genre dont il est l’un des plus grands représentants au cinéma. Malgré un échec commercial à sa sortie, le film s’est depuis érigé au rang de classique, loué pour son côté visionnaire et sa manière d’interroger notre rapport aux images.
Par Julie Le Baron.
Article paru toujours le hors-série Rockyrama « Video Pizza », toujours disponible ici.